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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/726

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rigueurs, le canon tonnait à Casablanca ; ensuite, les délibérations de la conférence n’ont été connues que par des comptes rendus très sommaires, publiés dans les journaux d’une manière intermittente ; enfin, quelques-unes des matières qui en faisaient l’objet ont un caractère purement juridique, et ne pouvaient pas être comprises sans quelques explications. Le grand public ne s’intéressait en réalité qu’à deux questions, la limitation des armemens et l’arbitrage obligatoire. Le gouvernement anglais tenait essentiellement à ce que la première fût discutée ; aussi l’a-t-elle été, et on a même voté unanimement une motion qui dit « qu’il est hautement désirable de voir les gouvernemens reprendre l’étude sérieuse de cette question. » Il aurait fallu avoir bien mauvais caractère pour ne pas voter cela. La question de l’arbitrage obligatoire n’a pas fait beaucoup de progrès : l’opposition de l’Allemagne et de quelques autres puissances ne l’a pas permis. Les résultats ne sont donc pas bien considérables, il faut l’avouer. Toutefois, sur d’autres points d’un caractère plus pratique, on en a obtenu de plus appréciables, qui pourront être ici l’objet d’études particulières. Les deux conférences qui se sont réunies à La Haye sous l’initiative de l’empereur de Russie sont la manifestation d’un désir qui est général dans le monde, celui de maintenir la paix, et, subsidiairement, celui de rendre la guerre, si elle éclate, plus courte et moins cruelle. Pour atteindre ce double but, on cherche, on tâtonne, on étudie, on travaille : rien de mieux, à coup sûr, pourvu qu’on ne se fasse pas illusion sur la portée immédiate d’un effort d’ailleurs si généreux, et qu’on ne se croie pas assez près de la paix perpétuelle pour renoncer dès maintenant aux moyens de soutenir la guerre éventuelle. L’erreur serait moins dangereuse si elle était générale, mais il faudrait plaindre ceux qui y tomberaient, tandis que les autres, — et il y en a, — sauraient s’en garantir. La conférence a été présidée par M. de Nelidow, ambassadeur de Russie à Paris, avec une fermeté d’esprit, mêlée de bonne grâce, que tout le monde s’est plu à reconnaître. Si elle n’a pas assuré la paix dans le monde, la bonne entente n’a pas cessé de régner entre ses membres : ils se sont séparés avec la conscience d’avoir bien mérité de l’humanité.


FRANCIS CHARMES.


Le Directeur-Gérant,

FRANCIS CHARMES.