l’équilibre est rompu si fortement à notre détriment que les dangers de l’offensive brusquée disparaissent complètement pour les Allemands ; nous sommes à leur merci, et l’on comprend combien la pensée de Bismarck risque de devenir une réalité : le tonnerre des canons prussiens en Champagne annonçant au monde l’ouverture des hostilités.
Et cette situation angoissante subsistera tant que nous n’aurons pas le nombre de rengagés déjà trop parcimonieusement concédé par la loi de 1905. Les rengagemens si imprudemment escomptés ne sont point venus, et rien ne fait prévoir qu’ils se produiront. Nous ne devons pas fermer les yeux devant le péril ; des mesures énergiques s’imposent pour le conjurer. Le gouvernement aura-t-il le courage de les proposer et le Parlement le courage de les adopter ? Le renvoi anticipé de la classe 1904, qui devance d’une année pour nous la terrible échéance, n’est pas fait pour nous donner confiance à cet égard.
Nous n’avons encore comparé que des chiffres ; mais, en campagne, la valeur combative d’une troupe est autrement importante que son effectif. Cette valeur dépend de la constitution de la troupe, de la valeur morale des individus qui la composent, enfin de la valeur morale de la collectivité dans son ensemble. Malheureusement, depuis quelque temps, un vent de folie a soufflé sur la France, dont les institutions militaires sont soumises aux expériences les plus dangereuses.
Prenons d’abord la constitution des unités comme premier élément de comparaison. L’effectif normal du bataillon d’infanterie allemande en temps de paix est de 570 hommes pour les bataillons de l’intérieur et de 640 pour les bataillons à effectif renforcé. Mais ces unités sont toujours au complet : « grâce à une majoration de 9 p. 100 du contingent convoqué avec les classes, instruit et renvoyé ensuite en congé, tous les vides qui se produisent sont aussitôt comblés. » Pour se mobiliser à l’effectif de 1 000 hommes, le bataillon allemand n’a besoin que de 430 ou de 360 réservistes. Chez nous, l’effectif normal de paix du bataillon est seulement de 500 hommes ; de plus, le renforcement qui doit porter à 700 l’effectif des bataillons de couverture est prélevé sur les troupes de l’intérieur, dont les bataillons, au moment de l’arrivée des recrues, comportent 450 et 460 hommes au maximum ; enfin, en France, tout homme rayé des contrôles