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jeunes officiers. Enfin, le recrutement des officiers souffre, en Allemagne, d’une crise qui ne se manifeste pas en France où le nombre des candidats aux grandes écoles militaires est loin de diminuer. La supériorité de nos officiers de troupe a été remarquée, par l’étranger même, dans la campagne de Chine. D’autre part, nos officiers, issus le plus souvent de familles modestes, sont plus rapprochés du soldat ; ils savent s’en faire comprendre, se l’attacher, en tirer le meilleur parti. Si l’esprit de caste de l’officier allemand procure certains avantages au point de vue de la tradition, de la solidarité, de l’esprit de corps, notre recrutement démocratique rend plus solide l’union entre l’officier et la troupe et cette union, au combat, se transforme en force. Gardons-nous donc de toucher à nos grandes écoles qui sont une pépinière d’officiers de troupe incomparables.

Où nous perdons franchement du terrain, c’est dans l’organisation de l’état-major. Le corps de l’état-major allemand, déchargé de la besogne de chancellerie, est uniquement absorbé par la préparation à la guerre. Créé, puis cimenté par un homme qui resta fort longtemps à sa tête, il possède une admirable unité de vues qui se maintient par la tradition, par le contact incessant entre ses membres et l’Etat-major général, et par l’impulsion du chef de cet état-major. Chez nous, les officiers sortis de l’Ecole de guerre avec le brevet sont immédiatement répartis entre les brigades, les divisions, les corps d’armée, où ils échappent à toute direction continue ; on les condamne à des travaux de bureau qui, non seulement absorbent leur temps, mais les détournent peu à peu du but à viser, la guerre. Petit à petit, ils deviennent paperassiers, médiocres cavaliers et oublient les principes stratégiques et tactiques qui leur ont été inculqués. Il y a des exceptions, mais elles ne font que confirmer la règle. C’est ainsi qu’une mauvaise organisation gâche les ressources les plus précieuses, car nos jeunes officiers brevetés seraient capables de constituer un corps d’état-major de tout premier ordre. Pour atteindre le résultat désiré, il faut une volonté de fer que rien ne vienne entraver. Il importe d’autant plus de remédier au mal que le haut commandement se recrute en grande partie dans l’état-major ; tel vaudra celui-ci, tel vaudra le haut commandement.

En résumé, la valeur militaire de tout notre personnel, considéré individuellement, est hors de pair.