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Avouerai-je qu’à y bien réfléchir, tout cet « impressionnisme » me frappe peu ? Certes, je suis sensible autant que personne à tout ce que l’on déploie d’esprit de finesse pour « reconnaître » du Pascal dans le Discours ; et même, s’il faut être franc, je ne résiste pas sans quelque effort aux tentantes suggestions que l’éloquence de Cousin, l’ingéniosité critique de Havet, de M. Brunschvicg, ou de M. Michaut dans leurs éditions, la verve persuasive de M. Emile Faguet détermineraient, aisément dans mon esprit[1].


Mais le moindre grain de mil
Ferait bien mieux mon affaire,


je veux dire le moindre mot, le moindre témoignage d’un contemporain de Pascal, quel qu’il soit, ou de Marguerite Périer, ou même de l’auteur du Recueil d’Utrecht. Or, ici, rien de tel, comme nous le verrons tout à l’heure. En réalité, ce sont choses infiniment délicates et hasardeuses que ces sortes d’attributions posthumes, quand on est obligé de se fier aux seules données du goût individuel. « Nous sacrifierions volontiers, écrivait ici même à ce propos Sully Prudhomme, nous sacrifierions volontiers cet argument tiré du style ; dans les productions de l’art, les parfaites ressemblances fortuites sont rares, mais les habiles pastiches ne manquent pas, et nous sommes obligé de convenir que les qualités de forme ne sont pas des marques de fabrique indiscutables ; en peinture, par exemple, de fréquens débats l’attestent suffisamment. Encore moins alléguerions-nous la répétition, dans ce Discours, de certaines sentences du recueil des Pensées ; on nous répondrait qu’un faussaire ne devait pas négliger ce facile moyen de faire illusion. » L’observation est d’une parfaite justesse. On a pu tout dernièrement, avec une probabilité qui confine à la certitude, restituer à Fénelon une partie de sa correspondance avec Mme Guyon ; mais il y avait là des indices qui portaient pour ainsi dire avec eux leur preuve

  1. Ce ne sont pas là, comme on pourrait le penser, de vaines précautions oratoires. M. Faguet surtout a été bien près de me faire partager sa conviction. J’avais parlé dans la 1re et la 2e édition de mon livre sur Pascal, l’homme, l’œuvre, l’influence (Fontemoing, 1898 et 1899) de « l’authenticité probable, mais non certaine du Discours. » Après avoir lu l’article de M. Faguet, j’ai eu le tort de me corriger, et, dans la 3e édition (1904), d’affirmer « l’authenticité probable, presque certaine » du morceau.