Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 41.djvu/868

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

catégoriquement, — quelque hère a-t-il séjourné à Madagascar ? Par cela seul qu’il a voyagé dans une nation où l’on voyage peu, on lui accorde la compétence nécessaire, car les affaires coloniales ne se décident pas à Paris sur examen sérieux de plans techniques, mais par relations, non point en jaugeant les hommes mais en supputant le nombre des actionnaires ; on ne court pas un risque à l’américaine sur une combinaison audacieuse, mais calculée, on lance de l’argent à la loterie. On lui confie donc des capitaux : il commence par prélever 30 000 francs par an à titre de directeur. Quand on a suivi dans la Grande Ile l’évolution des sociétés qui y ont échoué, on ne doute pas qu’il ne faille le plus souvent en attribuer l’insuccès, d’abord à la direction inexperte et insouciante qui ne tarde pas à substituer par liquidation des comparses à ses premiers commanditaires, ensuite à l’engagement d’employés ignorans et mal rémunérés dont on eût pu assurer économiquement le loyer et la nourriture. Une compagnie de la côte Ouest, en trois ans, amena près de 50 agens européens qui rentrèrent après un séjour de quelques mois, soit seulement 70 000 francs de passage. L’Union Coloniale, qui centralise à Paris les demandes d’emploi, ne reçoit malheureusement que des références de la Métropole ; quant à l’Office Colonial, l’Etat n’y donne aucun soin.

Les colons s’improvisent comme les compagnies. Ce sont parfois des fils de famille que naïvement on envoie bâcler fortune aux tropiques en compagnie tapageuse, ou de jeunes ménages qui, après avoir dépensé quelques billets de mille francs, rentrent au premier accès de fièvre. Les projets les plus fantastiques les hallucinent. Et ceux qui obéissent scrupuleusement à la science n’ont que des connaissances incomplètes : il est arrivé à plusieurs qui avaient planté leur vanille avec méthode d’avoir oublié de drainer les terrains malencontreusement choisis dans des lieux marécageux. On en sait aussi plus d’un qui ne sont venus prendre des concessions que pour y trouver des occasions d’indemnités.

Ce n’est pas à dire que des fautes personnelles seules expliquent toujours les insuccès qu’on enregistre. Le gouvernement entrave l’essor des industries annexes susceptibles de ménager quelques bénéfices à l’agriculture, et le général Galliéni fut le premier à le reconnaître (Rapport 1905). Les taxes de consommation arrêtent au premier élan toute initiative, toute activité. L’industrie du coton n’est pas encore née quelle est frappée dans une