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empire africain, pénétra, un des premiers Européens, dans la capitale de la monarchie hova, d’où une race claire, affinée, indolente, mais autoritaire, faisait rayonner son despotisme asiatique sur les autres peuplades confuses de la Grande Ile.

Sans machines, avec des ouvriers indigènes et les seules ressources locales, Laborde créa des fonderies, multiplia forges et poudrières. Son esprit inventif où s’exerçait l’ingéniosité gasconne, enseigna successivement aux Merinas la fabrication du fer, de la fonte, de l’acier, du cuivre. On peut dire que Laborde fit passer le Merina de l’âge de la terre cuite à 1 âge du métal fondu. L’enthousiasme de la reine se déclara par la largesse des appointemens servis à son ingénieur. Mais, cet argent qu’il recevait d’un gouvernement enrichi d’impôts écrasans, Laborde tint à en distribuer une grande part au peuple. En 1837, il demanda l’autorisation de faire bâtir Mantasoa. Les eaux y abondaient : captées en vastes bassins à écluses, canalisées, Laborde les fit circuler vers les différentes usines dont elles actionnèrent les rouages. Au centre, dans un haut fourneau en pierre de taille, le feu fondait les minerais des filons malgaches. On peut dire qu’il avait tout fait sortir de terre : une manufacture de poterie, de verrerie, une briqueterie, une savonnerie, exploitaient les richesses autochtones. Plus loin, des ateliers de tannerie, de tissage et jusque de papeterie traitaient le cuir des zébus, les fibres et les écorces des forêts. Dans des bâtimens qu’enveloppaient des mûraies, on élevait les vers à soie. La chaux, à des d’hommes, y arrivait d’Antsirabé. Par la route que Laborde avait percée de Mantasoa à Mahanoro, des chars à bœufs portaient le bois. Là venaient s’utiliser les ressources de toutes les régions et des hommes de toutes les provinces, plus de 1 200 ouvriers. Tel, — Mantasoa était devenu la capitale industrielle, et Tananarive, la capitale royale, — y accourait pour regarder, interroger, apprendre en bavardant et s’émerveiller. Connaissant l’humeur fastueuse de la reine, Laborde avait pourvu à ce qu’elle eût à Mantasoa son pavillon : elle venait s’y entendre acclamer en des triomphales réceptions, suivie d’une cour de vingt-cinq mille hommes qui trouvaient à s’y loger. Assise sur un trône de pierre que Laborde lui avait fait dresser en plein air, elle présidait les fêtes ordonnées dans le secret dessein d’apaiser par de doux spectacles de paix l’inquiétude sanguinaire de ce tyran femelle. Après les fanfares militaires de la bienvenue, des chœurs de jeunes filles qui