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inoubliable ; et, au-dessous d’eux, nous entrevoyons des silhouettes de soldats, de paysans, de vieux domestiques, qui ne cessent pas de remplir et d’animer l’arrière-plan du drame, prêtant à l’ensemble de celui-ci une variété, un relief, un éclat de couleurs, qu’on n’a guère coutume de rencontrer dans l’œuvre d’un romancier d’outre-Rhin.

Malheureusement, toutes ces belles vertus littéraires nous font l’effet d’être employées avec trop peu de profit, ou du moins nous avons l’impression que le résultat obtenu par l’auteur n’est pas en proportion de la peine qu’il lui a donnée. Nous devinons bien que M. Beyerlein, lorsqu’il a conçu l’idée de son livre, a dû se proposer, à défaut d’une « thèse » définie, un objet plus haut, et de plus de portée, que le simple exercice de son habileté de conteur. Il aura rêvé, sans doute, de nous rendre visible l’horreur de la guerre, ou plutôt des habitudes militaires, d’autrefois ; et peut-être aussi aura-t-il éprouvé un désir secret de glorifier l’âme allemande, en l’opposant, incarnée dans les personnages de Mettmann et de Sabine, à la complication ténébreuse ou à la bassesse de l’âme slave, dont il nous a présenté des échantillons divers sous les figures des officiers et soldats du régiment russe. Mais comment ne s’est-il point rendu compte de la difficulté qu’il y avait, pour lui, à réaliser de telles intentions dans les limites d’un sujet comme celui qu’il s’est choisi, à la fois beaucoup trop restreint et trop arbitraire, d’un sujet que le lecteur le mieux disposé ne peut pas s’empêcher de tenir pour un simple épisode inventé à plaisir ? Son roman n’est pas seulement petit par ses dimensions : c’est, en vérité, un roman d’un contenu trop petit, et il n’y a pas jusqu’à sa forme même, jusqu’à l’art réservé et subtil de sa mise au point, qui ne lui enlève tout espoir d’atteindre le public ordinaire des lecteurs de romans.


V

Le croirait-on ? Entre les types divers des romans que ce public accueille aujourd’hui avec le plus de faveur, l’un de ceux qui s’accommodent le mieux de la forme ancienne de la « chronique » se trouve être, en même temps, le plus « moderne » de tous, et celui au développement duquel les influences étrangères ont eu le plus de part ; je veux dire ce roman que l’on désigne