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des affaires persanes ; elle lui reconnaît des intérêts spéciaux dans le golfe Persique. Ces deux concessions compensent ce que l’Angleterre a pu céder d’autre part. En faisant prêter par la Banque russe des Prêts, devenue la Banque d’Escompte de Perse, cinquante-quatre millions de roubles au shah Mouzaffer ed Dine et en se faisant reconnaître en garantie de ce prêt toutes sortes de privilèges et de monopoles, la Russie était devenue toute-puissante à la cour de Téhéran. Elle avait obtenu le monopole des emprunts persans. Elle détenait directement, ou par des agens belges, le contrôle des Finances et des Douanes, et avait su se faire charger de réorganiser l’armée. Elle avait imposé un tarif douanier très favorable à son commerce, et s’était réservé la construction de toutes les voies ferrées. En vain l’Angleterre avait-elle essayé de lutter en s’appuyant sur les institutions qu’elle possède en Perse, comme la Banque impériale persane et le télégraphe indo-européen de Téhéran à la mer des Indes. En vain était-elle arrivée à saper les bases de la politique russe qui s’appuyait sur l’autocratie du shah, en contribuant à déterminer le mouvement qui a abouti à l’octroi d’une constitution et du régime parlementaire. L’avance prise par la Russie était trop grande. D’autre part, la situation prépondérante de fait, acquise depuis plus de cent ans par l’Angleterre dans le golfe Persique, n’avait jamais été reconnue diplomatiquement par la Russie, qui, en ces derniers temps, avait même essayé de contrecarrer l’influence anglaise en établissant une ligne de paquebots d’Odessa au golfe Persique. Or, aujourd’hui, la Russie renonce à toute action politique à Téhéran. Elle reconnaît le principe de l’égalité commerciale, de l’égalité du contrôle à exercer sur les finances persanes, et prévoit l’éventualité d’un condominium russo-anglais. Son expansion économique est limitée à une zone, fort riche évidemment, mais qui ne comprend que les provinces du Nord et du Nord-Ouest de l’Iran. Elle abandonne à l’Angleterre tout le Sud-Est de la Perse, et notamment le port de Bender-Abbas. En laissant ce port qui commande le détroit d’Ormuz et l’entrée du golfe Persique tomber dans la sphère britannique, la Russie s’interdit toute issue hors de ce golfe et renonce au rêve qu’on lui a si souvent prêté, d’avoir un accès vers la mer libre et les eaux chaudes. Et l’on comprend pourquoi, ayant laissé le port de Bender-Abbas à l’Angleterre, la Russie ait reconnu les intérêts