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comment les deux Pisano connurent-ils l’admirable floraison de nos cathédrales ? C’est aux historiens à se mettre d’accord sur ce point. Ce qui est certain, c’est que, dès le milieu du XIIIe siècle, l’art gothique leur fut familier. Les chaires du baptistère de Pise et du dôme de Sienne en témoignent ; certains détails de la Fonte Maggiore également : la Dialectique, par exemple, est habillée à la française et la Musique, au lieu de tenir une lyre suivant la tradition iconographique, frappe sur de petites clochettes, ainsi qu’au chapiteau de Chartres où elle est représentée au-dessus de Pythagore.

Mais une autre influence est à la source de cette rénovation artistique : le mouvement franciscain. Si Thode est allé trop loin en soutenant que la Renaissance était issue de ce mouvement et si, de même, Renan a forcé sa pensée quand il a déclaré que « le sordide mendiant d’Assise fut le père de l’art italien, » il est hors de doute que nul, plus que saint François, ne hâta l’éclosion du renouveau. Sa vie, tout imprégnée d’humilité et d’amour, de pitié et de charité, la légende de la Portioncule mêlée à chaque instant à la vie des hommes, l’histoire de l’ordre populaire des Fratelli parlèrent directement à la sensibilité des artistes qui essayèrent, du mieux qu’ils purent, de traduire les impressions tendres ou pathétiques qu’ils ressentaient. Nul n’inspira plus de portraits que le Poverello. Déjà on le reconnaît dans les mosaïques de Saint-Jean de Latran et de Sainte-Marie Majeure, dans de vieilles fresques de Giunta et de Berlinghieri, dans une sculpture d’Orvieto. A la coupole du baptistère de Parme, la scène des stigmates fait déjà pendant à la vision d’Ezéchiel. L’an dernier, à l’Institut des Beaux-Arts de Sienne, j’ai été frappé par la quantité de Saint François qui s’y trouvent : le premier tableau que l’on voit en entrant, attribué à Margueritone d’Arezzo, les deux suivans portés sur le catalogue comme étant « à la manière grecque, » plus de quarante autres à travers les salles, tous le représentent écartant de la main sa robe de bure pour montrer à son flanc la trace du coup de lance que reçut le Christ.

Pour illustrer le poème franciscain, les artistes, à défaut de tradition, durent observer directement la vie. Jusqu’alors, ils n’avaient guère exprimé qu’un sentiment, commun d’ailleurs à toute la chrétienté : l’effroi de l’homme devant la divinité. Dans les antiques fresques qui nous restent, Dieu est un maître