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pas légitimée par le prix de 104 fr. 80, en admettant même que ce prix fût normal. Or, on était artificiellement parvenu à ce chiffre grâce à l’intervention puissante de la Compagnie. A s’en tenir même au simple calcul, la rente à 104 fr. 80 rapportait 4,77 pour 100. La réduction indiquée aurait donc dû être plutôt d’un demi pour 100. On comptait, il est vrai, sur l’appât d’un accroissement de capital, accroissement d’un tiers du capital primitif, comme nous l’avons vu. C’était d’ailleurs la première fois que l’on se livrait, en France, à une opération de cette nature, et l’on ne savait guère, en réalité, vers quel résultat on allait. Un terme de comparaison manquait, en effet, car il n’y avait pas alors d’autre rente française que le 5 pour 100. Il aurait été plus facile de faire des prévisions si un type de rente de 4 pour 100 ou de 4 et demi pour 100, par exemple, eût existé. L’opinion publique, inquiète pour toutes ces raisons, ne se montrait guère favorable à l’opération, et les rentiers, si souvent leurrés, ne paraissaient aucunement disposés à se laisser séduire. Malgré l’opposition assez vive qui fut faite au projet, la Chambre des députés, guidée surtout par des considérations politiques, suivit aveuglément Villèle. Il n’en fut pas de même à la Chambre des pairs où la conversion échoua.

Notons en passant que Laffitte imagina, lui aussi, en vue de ne point trop effrayer les rentiers, un système d’ailleurs fort ingénieux. Il proposa la création de deux grands livres de la Dette Publique, l’un en rentes 3 pour 100 normalement négociables, l’autre en rentes 5 pour 100 immobilisées. Pendant un délai déterminé, les porteurs de 5 pour 100 auraient eu la faculté de demander des inscriptions en 3 pour 100 à 75 francs. Après ce délai, ils ne pouvaient plus obtenir l’échange de leurs titres que contre du 3 pour 100 au pair. Enfin, tout titre 5 pour 100 présenté au bureau des mutations et transferts, pour une autre cause que celle de succession en ligne directe ou d’un avancement d’hoirie, devait être converti d’office en 3 pour 100 au pair. L’État n’offrait donc pas le remboursement immédiat ; il était différé pour un temps plus ou moins long. Quant au Trésor, il ne se serait pas trouvé beaucoup plus allégé de ses charges en capital. On fit à ce nouveau système un mauvais accueil, et l’on ne s’y attarda point. Toutefois, la combinaison, bien que ne tenant pas assez compte de l’état de l’opinion et présentant des points très critiquables, témoigne d’une réelle souplesse d’imagination.