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plénipotentiaires des deux pays suivaient deux lignes différentes de politique a nui aux intérêts des deux reines dans la Péninsule. La fin de cette double action est le seul avantage que les reines tireront, pour le moment, d’une meilleure entente entre l’Angleterre et la France ; mais quoi qu’il en soit, ce résultat n’en aura pas moins pour elles quelque importance, et en même temps il enlèvera aux différens partis politiques la possibilité de se servir de ces prétendues difficultés contre le gouvernement des reines. Je compte que vous direz à vos ministres d’accueillir ces dispositions amicales avec franchise et bienveillance. Le Roi, ici, désire que les plénipotentiaires des deux pays s’entendent. De cette façon, il deviendrait difficile pour les partis en Espagne et en Portugal de déclarer que les deux plénipotentiaires soutiennent des candidats différens au ministère, et le morcellement des groupes attachés aux reines pourrait ainsi être empêché ou terminé. Nombreuses sont les malveillantes insinuations lancées contre la politique du Roi d’ici, et parce qu’il est capable, on le soupçonne d’avoir des projets ambitieux à l’infini. Il peut n’être pas sans importance de rectifier ce bruit. Je ne prétends pas savoir quelles ont été les idées du Roi immédiatement après la Révolution de juillet ; peut-être, pendant un moment, a-t-il désiré pouvoir faire quelque chose pour la France. Admettons, pour la nécessité du raisonnement, qu’il en ait été ainsi. Deux mois de règne ont suffi pour lui montrer que la grande question n’était pas de conquérir des territoires ou une influence internationale, mais de sauver la monarchie. Le Roi vit clairement que, s’il commençait une guerre, elle dégénérerait bientôt en une guerre de propagande, et que lui et sa famille en seraient les premières victimes. Il a toujours lutté en vue d’affermir son gouvernement, de consacrer ou reconstituer les élémens indispensables pour un gouvernement monarchique, et cette bataille est loin d’être finie : très probablement le reste de sa vie sera consacré à cette importante tâche : quel que soit le caractère plus ardent du duc d’Orléans, la plus grande partie de son règne, s’il arrive au trône, et peut-être son règne entier prendra, bon gré mal gré, la même direction. Il est très naturel qu’il en soit ainsi, car à quoi serviraient quelques provinces étrangères, si elles ajoutaient seulement à la difficulté de gouverner les anciennes ? Je connais tous les actes du Roi et de son Cabinet, même mieux que ceux de votre gouvernement ; je vois constamment et sans réserve aucune