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deniers, acheté une portion de terre, provenant des biens d’un émigré de Vernou, et fait don de ce terrain à celui des habitans de ladite commune, qui serait désigné par ses concitoyens comme le plus patriote, le plus laborieux et le plus chargé de famille[1] ? La reconnaissance publique à son égard ne venait-elle pas de se manifester par le vote qui l’avait élu, à l’unanimité, Président de l’administration municipale du canton de Montlouis ?

À ces raisons d’être rassuré s’en ajoutait une autre. Il avait traversé victorieusement la crise suraiguë d’épuration, qui, dans l’automne de 1793, sévit, à tous les degrés, sur la République. Dans le département d’Indre-et-Loire, cette épuration s’était faite sous la surveillance des représentans Guimberteau et Levasseur. Des membres de l’ancienne administration ils n : en avaient conservé que douze. Non seulement Clément de Ris était du nombre, mais il avait été appelé au Comité directeur du département, honneur qui lui avait valu du représentant Garnier de Saintes ce billet flatteur et réconfortant : « Je vois avec plaisir, brave républicain, que l’épuration révolutionnaire t’ait trouvé digne de figurer avec avantage dans l’administration des affaires publiques. Je t’avais vu assez pour croire à la pureté de tes principes, et ma croyance est aujourd’hui conviction. » Cette conviction Garnier de Saintes la conserva : on le verra au dévouement avec lequel il s’emploiera à servir et à défendre Clément de Ris devenu suspect. Epuré comme administrateur du département, épuré comme membre des divers comités dont il faisait partie, Clément de Ris l’avait été encore, et à maintes reprises, comme membre de la Société populaire. Là, les purs de la veille n’étant jamais assez purs au gré des purs du lendemain, à tout instant, à tout propos, l’épuration recommençait et les scrutins succédaient aux scrutins. Devant tous Clément de Ris avait triomphé. Il n’eut pas longtemps à jouir de son triomphé.


III

Brusquement, dans les derniers jours de janvier 1794, sur un rapport de Barrère à la Convention, Guimberteau fut appelé

  1. Janvier 1794. — Le bénéficiaire du don patriotique fut un nommé André Guesneau, père de cinq enfans, dont l’aîné n’avait pas cinq ans, et soutien d’une vieille mère âgée de plus de quatre-vingts ans « à laquelle il donnait ses soins et avec laquelle il partageait le prix de ses sueurs. » Registre des Délibérations du directoire du District de Tours. Séance du 12 fructidor an II.