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Passant outre aux menaces et aux intimidations, la Société décida d’envoyer à Paris deux délégués, chargés de plaider aux Jacobins la cause de Clément de Ris et de Texier. Elle fit choix des citoyens Aubert et Aubineau, ce dernier jardinier à Tours. Vainement, par de nouvelles menaces, on essaya d’arrêter leur départ. Ils se mirent en route, firent diligence, et, dès le 29 (17 février), Chalmel pouvait écrire de Tours à Mme Clément : « Nous recevons aujourd’hui une lettre d’Aubert, qui fait part de ses premières démarches. J’en attends la suite avec grande impatience. Ma sœur me marque que nos amis ne sont point dans une maison d’arrêt, mais gardés par deux citoyens à l’hôtel des Bons-Citoyens. Tant mieux de toutes façons. Texier frère écrit aussi à Bergeon. Ce soir, je lirai ces différentes lettres à la Société qui en entendra la lecture avec bien du plaisir, car tout le monde m’arrête dans les rues pour me demander si j’ai des nouvelles. Ecrivez-nous un mot ; ne vous alarmez point et comptez sur la justice nationale. » Le même jour, les délégués étaient reçus aux Jacobins[1], et « réclamaient la liberté de deux patriotes, membres de la Société, emprisonnés par erreur. » Un membre, le citoyen Blouin, essaya de protester, alléguant que la Société populaire de Tours était sujette à caution ; il se trouvait à Tours, dit-il, au mois de juin précédent ; on représentait sur le théâtre des pièces inciviques, et les membres de la Société populaire présens ne protestaient pas. Aubert répliqua que, depuis lors, la Société populaire avait été épurée plusieurs fois, et la pétition fut renvoyée à la commission des défenseurs officieux.

A Tours, ces nouvelles et d’autres, qui y parvinrent presque en même temps, commencèrent à rassurer les amitiés angoissées. On sut que l’affaire avait été portée devant la Convention et y avait trouvé un accueil bienveillant. Aux Jacobins, l’accueil avait été plus froid, mais non tel qu’il dût décourager l’espoir. Le 4 ventôse (23 février), Emile Clément de Ris écrit à sa mère : « La lettre de ma sœur que nous avons reçue hier, ainsi que la vôtre à Chalmel, nous ont beaucoup rassurés. Nous n’avons pas vu dans celle-ci la tristesse qui était dans la première que vous avez écrite à ce citoyen. Il paraît par vos lettres que l’arrestation a été arbitraire. Celles que la Société reçoit chaque jour des

  1. Séance de la Société des Jacobins du 29 pluviôse an II. — Présidence de Thérion.