Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/224

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

mal horrible à la Révolution. Nous devons sévir contre les conspirateurs, les aristocrates, les égoïstes. Mais opprimer un patriote est faire rétrograder la Révolution, et il est des pestes qui ne veulent pas autre chose, pour mieux réussir dans leurs projets liberticides. Vos principes sont bien connus, bien affirmés. Vous voulez purger la République de tous les genres de malveillance : je le veux comme vous. Mais pour arriver à ce but salutaire, il faut examiner, et c’est tout ce que je vous demande pour Clément et Texier. Salut et fraternité. » Tallien, au témoignage de qui Guimberteau en appelle, n’avait pas attendu la requête pour prendre la défense de son ami. Un passage de sa lettre à Vadier a déjà été cité. En voici d’autres, où l’on saisira toutefois comme la préoccupation, tout en servant la cause de ses amis, de ne pas engager sa responsabilité plus que de raison :

« J’ignore, disait-il, les motifs de leur arrestation, mais je dois à la justice de dire ce que je sais sur leur compte, ce que j’ai eu l’occasion de voir pendant sept mois de séjour dans la ville de Tours, » et, rappelant l’estime universelle qu’on leur porte, le zèle, le courage de Clément de Ris, cette activité à laquelle « on doit que la guerre de Vendée n’ait pas fait de ravages encore plus effrayans sur les bords de la Loire, » il ajoute, — en homme qui n’aime pas à s’oublier et ne veut pas qu’on l’oublie : — « Ce comité[1], de concert avec moi, approvisionnait nos armées, et ce n’est pas sa faute si elles ont été conduites par des chefs imbéciles et contre-révolutionnaires[2]… À l’époque du 31 mai, j’étais à Paris. J’en partis le 3 juin. Carra m’avait précédé et avait partout dénaturé les événemens de ces sublimes journées. J’arrivai à Tours, et je trouvai les esprits dans les meilleures dispositions. Ce Clément, persécuté aujourd’hui, avait fait imprimer et distribuer avec profusion une lettre que je lui écrivais de Paris, et dans laquelle je lui peignais, en Montagnard, les journées qui venaient de se passer. Carra proposa une force départementale. Le Département repoussa avec horreur cette proposition. Texier parla avec vigueur, et toutes les autorités constituées réunies tirent une adresse d’adhésion aux journées des 31 mai et 2 juin. Dans toutes ces circonstances, j’ai toujours vu ces deux patriotes se montrer avec courage. » Il termine par une dernière objurgation : « Je

  1. Le Comité de défense, dont Clément de Ris était le président.
  2. Allusion à Ronsin.