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importance que lord Normanby[1]reçoive l’ordre de rester absolument neutre et de ne se mêler en aucune façon à ce qui se passe. Dans un pareil moment, la moindre parole pourrait donner lieu à de fâcheuses interprétations.


Le roi des Belges à la reine Victoria.


Laeken, 5 décembre 1851.

Ma très chère Victoria,

Tous mes meilleurs remerciemens pour votre chère et gracieuse lettre du 2, date de la bataille d’Austerlitz et du coup d’Etat de Paris. Qu’en dites-vous ?

On ne peut pas encore se former une opinion exacte, mais je suis porté à croire que Louis Bonaparte réussira. Le pays est fatigué et désire avoir la tranquillité, et si le coup d’Etat la lui donne, il n’y fera pas d’objection et laissera le gouvernement parlementaire et constitutionnel se reposer pour quelque temps.

Je soupçonne qu’un gouvernement militaire à Paris sera vu avec plaisir par les grandes puissances du continent : elles vont un peu loin dans leur haine de tout ce qui est parlementaire. Le Président prend déjà quelque chose de Napoléon. Je crois savoir qu’il s’est déclaré mécontent de moi, comme si j’avais trop soutenu la famille d’Orléans. Je rends parfaite justice au président, qui, jusqu’ici, ne nous a nullement importunés, mais nous nous sommes également abstenus de toute intervention. Je trouve qu’Hélène[2]a été imprudente. D’autre part, il est bien difficile pour la pauvre famille d’éviter d’aborder ces sujets-là ou de le faire avec mansuétude.

S’il s’établit quelque chose qui ressemble à un empire, nous aurons peut-être beaucoup à souffrira un moment, car la gloire française jettera indubitablement un coup d’œil sur les vieilles frontières. Mes espérances, c’est que [les Français] seront très occupés chez eux pendant quelque temps, car les querelles de partis battront leur plein… Votre oncle dévoué,

  1. Ambassadeur d’Angleterre à Paris.
  2. La duchesse d’Orléans.