Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/265

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Si on le comparait au pauvre roi Louis-Philippe, je dirais que le Roi possédait des connaissances étendues sur toutes choses. Il avait une énorme expérience des affaires publiques et une grande activité d’esprit. L’Empereur a beaucoup de jugement et une plus grande fermeté de dessein, mais aucune habitude des affaires politiques, et aucune application intellectuelle. De même que le feu Roi, il est doué d’une imagination fertile.

Une autre grande différence entre le roi Louis-Philippe et l’Empereur est que le pauvre Roi était absolument Français de caractère : il avait toute la vivacité et la loquacité de ce peuple, tandis que l’Empereur est aussi peu Français que possible, et ressemble beaucoup plus à un Allemand… Comment pourrait-on espérer que l’Empereur puisse avoir quelque expérience des affaires publiques, étant donné que, il y a six ans, il vivait comme un pauvre exilé, qu’il fut emprisonné durant quelques années, et ne prit jamais la part la plus insignifiante à la vie politique d’aucun pays ?

Il est donc très étonnant, presque incompréhensible qu’il ait montré ces dons d’homme d’Etat et tout ce tact merveilleux, dont il témoigne dans sa conduite et ses manières, et que beaucoup de fils de rois, nourris dans les palais et élevés au milieu des affaires, n’arrivent jamais à avoir. Je crois également qu’il serait incapable des ruses et des duperies du pauvre roi Louis-Philippe. Certes je garderai toujours un très vif souvenir de ce vieil et excellent ami de mon père, de ses aimables et charmantes qualités. Mais aussi, dans les grandes choses comme dans les petites, il prenait toujours plaisir à paraître plus habile et plus roué que les autres, souvent même quand il n’y avait aucun avantage à obtenir ; témoin ces malheureuses négociations, qui eurent lieu au moment des mariages espagnols, et qui furent cause de sa chute et le perdirent de réputation aux yeux de l’Europe. D’un autre côté, je ne crois pas que l’empereur Napoléon hésiterait à employer la force, même pour une action injuste et tyrannique, s’il jugeait que l’accomplissement de son destin l’exige.

Je crois que le grand avantage, qui résultera de la récente visite de l’Empereur au point de vue de l’alliance permanente de l’Angleterre, d’une importance si vitale pour les deux pays, sera celui-ci, étant donné son caractère particulier et ses idées, qui sont très personnelles : la réception aimable, simple, chaleureuse, que nous lui avons faite nous-mêmes, le faisant