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de nouvelles sources de conflit jaillissent à côté de la source ancienne : les États nouveaux, qui grandissent, ne seront pas disposés à subir l’autorité de l’Empereur, voudront rester en dehors de la sphère du Saint-Empire. C’est ainsi que nous voyons entre autres, avec Charles VIII, la France entrer en compétition, et manifester à son tour un « impérialisme » que M. Hill a très bien défini :


Deux forces, dit-il, n’ont jamais cessé d’opérer sur l’âme de la nation française, — la légende de la prétention de la France à la gloire de Charlemagne, et les sophismes des juristes français qui s’efforçaient d’appuyer sur un appel à la loi romaine le droit de la France à perpétuer le pouvoir de l’Empire romain. De Philippe IV à Napoléon Bonaparte, ces forces sont entrées spasmodiquement en scène pour influencer le cours de la politique étrangère de la France (II, 172).


Dès lors, nos auteurs montrent sans peine que l’idée impériale a fait banqueroute, qu’elle ne réalisera pas l’unité rêvée et ne réussira pas à s’imposer. La Réforme vint lui porter le dernier coup. Le principe même en était contraire à cette idée d’unité sur laquelle reposait toute la conception du Saint-Empire romain. Le sac de 1527 dépouilla Rome de son prestige mystique ; l’autorité de l’Empereur se perdit dans la longue série des guerres où son rôle fut parfois misérable ; surtout, l’ensemble des idées, des aspirations, des croyances qui avaient gouverné la politique depuis la chute de l’ancien Empire, acheva de s’effriter. « Luther acheva l’œuvre d’Hildebrand, dit admirablement M. Bryce. Jusqu’alors il n’avait pas paru impossible de faire de l’Allemagne une monarchie forte, compacte, sinon despotique ; cette diète de Worms précisément, où le moine de Wittemberg proclama, devant un clergé et un Empereur stupéfaits, que le jour de la tyrannie spirituelle était passé, avait rédigé et présenté un plan nouveau pour la constitution d’un conseil central de gouvernement. Le grand schisme religieux mit fin à toutes ces illusions, car il devint la source de discordes politiques- bien plus sérieuses et bien plus durables qu’aucune de celles qui avaient existé auparavant, et il apprit aux deux factions entre lesquelles il partagea désormais l’Allemagne à entretenir l’une contre l’autre des sentimens plus amers que ceux de deux nations ennemies[1]. » Avec encore plus de précision, M. Hill marque « la

  1. Trad. Domergue, 417 et 418.