Tel fut le début de l’œuvre, ou plutôt tel fut le petit événement qui détermina la création de l’Œuvre. En 1893, l’Œuvre fut fondée : elle se nommait l’Œuvre de la reconstitution de la famille, et son comité de direction était uniquement composé de femmes. Mme Hervieu y affecta une partie de ses revenus, car, bien qu’elle eût l’approbation des pouvoirs publics, elle ne réunissait pas aisément hors d’elle-même, — au moins dans les premières années, — les ressources nécessaires ; mais elle avait cette foi qui soulève les montagnes.
Tout d’abord ; elle loua aux environs de Sedan deux champs d’une superficie totale de 14 000 mètres carrés. Ces 14 000 mètres carrés furent répartis entre 27 familles, à raison de 354 mètres carrés par ménage de une et deux personnes ; de 430 mètres carrés par ménage de trois ; de 516 par ménage de quatre et six ; de 688 à 860 par ménage de plus de six. Il y eut une première dépense de 531,75, et, bien que l’année eût été mauvaise à cause d’une grande sécheresse, la récolte suffit à entretenir en légumes les vingt-sept familles.
Ce premier résultat encouragea les ouvriers à persévérer ; il y eut d’année suivante vingt-neuf familles nouvelles entre lesquelles furent partagés 16 880 mètres carrés.
En même temps, Mme Hervieu organisait ce qu’elle appelle la Ferme mutuelle : elle donnait 516 mètres carrés à 15 garçons de seize à dix-sept ans choisis parmi les enfans des familles assistées, à la condition que chacun deux versât 1 franc par mois ou 12 francs par an ; ces jeunes garçons devaient cultiver ces jardins, les faire produire, les produits étaient vendus pour eux, et l’argent de cette vente placé à leur nom à la Caisse d’épargne. Un legs permit de louer des terrains pour 18 autres familles : en 1895, il y avait 74 familles assistées qui se partageaient, en comptant les champs de la ferme mutuelle, 44167 mètres carrés ; en 1898, il y en avait 125, et l’on avait placé pour les jeunes gens de la « mutuelle » 465 francs. Et toutes ces familles tiraient de leurs jardins tous les légumes dont elles avaient besoin.
Mme Hervieu ne m’avait pas raconté tout cela, — on le croira sans peine, — avec la sécheresse que je mets à le répéter. Ce n’était pas seulement le résultat matériel qui lui causait de la joie, mais aussi le résultat moral. De ce qu’ils possédaient un jardinet, bien clôturé par des fils de fer, où ils étaient chez eux, ces ouvriers n’avaient plus les mines humbles et les manières gênées des