la lumière d’une bougie que reflétaient des globes d’eau, les femmes travaillaient, leur métier sur les genoux, tandis qu’une commère racontait une histoire, ou chantait une chanson. Aujourd’hui, on compte avec peine dans le Calvados un millier de dentellières qui gagnent sept à huit sous par jour. Le travail à la machine, la fabrication de la dentelle d’imitation, le nombre considérable surtout d’intermédiaires, fabricans, entrepreneurs en gros, sous-entrepositaires qui descendent du marchand de dentelles à la dentellière en se partageant des bénéfices d’autant plus importans qu’ils réduisent le salaire de l’ouvrière, la suppression des classes de dentelles due à l’enseignement primaire auquel les inspecteurs ne tolèrent pas qu’on juxtapose un enseignement professionnel, tout a concouru à la ruine de cette industrie.
Afin de la relever, M. Engerand fit voter en 1903 une loi qui réorganisait l’enseignement de la dentelle à la main. Avant lui cependant, les femmes, une fois de plus, avaient eu l’initiative de ce relèvement.
Mlle de Marinier, effrayée par le mouvement qui poussait les femmes et les filles de la campagne vers les villes et les grands centres, résolut de les maintenir dans leurs foyers. Une première année, en 1895, elle donna à trois jeunes filles, qui se préparaient à quitter leur village, des bas à tricoter à la machine, que l’on vendit tant bien que mal. L’année suivante, plusieurs jeunes filles se joignirent à celles-là, et l’on fabriqua pour 5 000 francs de tricot. Des femmes vinrent des villages environnans demander de l’ouvrage. L’Œuvre du travail au foyer dans les campagnes de France, — c’était le nom de l’œuvre que venait de créer Mlle de Marinier, — était trop pauvre pour acheter les nouvelles machines nécessaires : elle dut chercher un autre genre de travail.
Mlle de Marinier connaissait la crise que traversait la dentelle à la main. Ici. pas de machine à acheter, mais une occupation qui entraîne une dépense minime et, si l’on peut supprimer dans le prix de revient de la dentelle la part démesurée que prélèvent les intermédiaires, si l’on peut trouver des intermédiaires bénévoles ou des entrepositaires qui acceptent une petite rémunération, un gain raisonnable pour chaque ouvrière. Mlle de Marinier et celles qui la secondaient y parvinrent. Dans certains centres, des femmes groupèrent directement les dentellières : ce furent les Pyrénées, avec Mlle Blanche de Béarn ; le