l’épargne, dont les statuts furent annexés aux statuts de la mutualité. Ainsi, chaque année, l’œuvre peut distribuer cinq ou six dots, ou verser de petites sommes sur les livrets de retraite pour la vieillesse, ou payer des médicamens, ou encore assurer 50 centimes de salaire journalier aux ouvrières que la maladie oblige au chômage.
Ce qui rend souvent difficile, dans les débuts, le succès d’œuvres semblables, c’est la défiance instinctive qu’éprouvent pour ceux qui s’occupent d’améliorer leur sort, ouvriers et paysans. Cette défiance est encore augmentée par la propagande que mènent auprès d’eux les politiciens, socialistes et autres, qui favorisent la lutte des classes pour en retirer des avantages personnels. On s’efforce de bien les persuader que tant d’initiatives généreuses s’opposent à leur véritable intérêt et n’ont pas d’autre but que de les rendre plus résignés et plus asservis. Les conférenciers, diseurs de belles paroles, sont nombreux qui répandent ces idées ; mais la propagande conduite par le journal est encore plus dangereuse. Le journal, à notre époque, est une arme terrible ou, comme l’on voudra, admirable : il se glisse partout, pénètre jusque dans la plus petite commune et jusque dans la chaumière la plus humble. Et un seul numéro de journal n’a pas un lecteur, mais deux, cinq, dix, tout un hameau souvent.
Or, cette propagande par les journaux est remarquablement dirigée. Taine rapporte dans sa Correspondance, — sa lettre est datée du 5 février 1872, — qu’étant entré au café, dans une petite ville de province et ayant réclamé les journaux, il ne put avoir que des feuilles radicales ou révolutionnaires. Il s’en étonna ; on lui repartit que le café recevait ces journaux-là gratis et ne pouvait recevoir les autres que par abonnement. Comme le café avait les premiers sans les payer, il se dispensait d’avoir les autres en les payant.
Il y a quelques années, au quartier Latin, des étudians de Sorbonne et des élèves de l’Ecole normale envoyaient en province, à des groupemens, à des sociétés, les journaux qu’ils estimaient bien pensans et qui étaient socialistes et antimilitaristes. Leur organisation était la plus simple du monde. La province ne recevait que les journaux parus la veille à Paris, mais, comme les articles de politique et de doctrine étaient les seuls que ces