de sa fille. Et cette jeune fille, — sa fille, — qu’en fait le misérable ? Il l’emmène dans les restaurans de nuit, il l’enrôle dans la « bande à Patachon ! » Pour marier cette fille, et craignant de ne pas obtenir le consentement de sa femme qui est dévote, il feint de s’être converti. Il fréquente les offices, assiste aux sermons, se fait remarquer aux vêpres. Et ce n’est qu’une frime ! Une fois son but atteint, il s’évadera de son rôle en gambadant et rira au nez de la malheureuse qu’il aura dupée. Le plus comique de l’affaire est que ce diable en train de s’asperger d’eau bénite, ce singe tout gesticulant de pieuses mômeries, reproche à je ne sais quel Putois-Mérainville d’être un Tartufe… Dites donc, Patachon, et vous ?
Mais nous sommes au théâtre. Venant de Patachon, tout nous parait aimable. Tromper une dévote, c’est venger la morale mondaine qui est la nôtre. La comédie de la conversion est une farce du meilleur aloi. Et comment refuser à ce vieux fêtard l’autorité nécessaire pour établir convenablement sa fille ? Il ne suffit pas de dire qu’il sera beaucoup pardonné à Patachon, parce qu’il a beaucoup aimé : il a droit à une récompense. On lui ramène sa femme. Maintenant que les infirmités s’annoncent, il aura une garde-malade. Nous voilà tranquilles.
M. Noblet a pour sa bonne part contribué à rendre sympathique le personnage de Patachon. Mlle Marthe Régnier, qui doit tour à tour se montrer en gamine délurée et en enfant de Marie, a fait preuve d’une remarquable souplesse. Quant à M. Lérand (Putois-Mérainville), on ne saurait trop déplorer qu’un comédien d’un si réel talent soit, depuis quelque temps, condamné à tenir des rôles si parfaitement indignes de lui.
Le courant est si fortement prononcé en faveur de la comédie de genre, sentimentale et gaie, que nous voulons la voir partout, et là même où elle n’est pas. C’est l’origine d’une amusante méprise, qui s’est produite à propos de Son Père, et que M. Emile Faguet a signalée, au grand étonnement du public et de ses confrères. Lorsque la comédie de MM. Guinon et Bouchinet fut représentée à l’Odéon, ce fut un succès d’attendrissement ; le lendemain, toute la presse loua, comme il convenait, ce chef-d’œuvre d’émotion discrète. C’était l’idylle bourgeoise dans sa candeur aimable. La fille de M. Orsier, qui, au dernier acte, réconcilie ses parens, c’était l’ingénue du Gymnase, modernisée. On pouvait la citer en exemple et l’aller applaudir en famille…