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et qui a été réimprimé, depuis, avec des additions et des corrections qui ont encore ajouté à sa valeur[1]. Aujourd’hui, M. James Gairdner est la principale autorité à consulter sur la fin du XVe et le commencement du XVIe siècle anglais.

Il est connu par ses beaux travaux sur Henry VIII et par la publication des Paston Letters, qui jettent une si vive clarté non seulement sur les événemens auxquels les Paston ont été mêlés, mais sur les mœurs et la vie privée des Anglais sous les princes de la maison d’York et sous le premier Tudor. M. Gairdner s’était mis en campagne, ai-je dit, pour vérifier les « doutes » de Walpole et, le cas échéant, réhabiliter Richard. Mais, en route, et devant le minutieux examen des faits, il se reconvertit à la vieille théorie, je veux dire à celle qui faisait de lui un criminel. Richard attendit encore, très patiemment, je suppose, pendant près de trente ans, un nouvel avocat et le trouva enfin dans sir Cléments Markham. Voici donc les deux livres en présence. A part deux ou trois documens mis en lumière par sir Cléments, et dont il est porté à s’exagérer l’importance, les deux ouvrages discutent les mêmes faits, s’accordent sur beaucoup de ces faits, mais sur d’autres, sur les plus importans, nous proposent une interprétation et une conclusion différente. Acquitté sur tous les chefs par Markham, Richard III reste, aux yeux de Gairdner, coupable de son plus grand crime. Qui a tort ? Qui a raison ? Sur les points où les deux écrivains sont d’accord, notre opinion sera facile à former. Sur les autres, nous serons forcés de faire appel à notre jugement.

Tout d’abord, il n’y a plus de monstre. Au lieu du bossu difforme, que sa hideur tient éloigné des plaisirs de l’humanité ordinaire, nous avons devant nous un homme de stature médiocre, il est vrai, et d’apparence un peu grêle, mais nullement désagréable à voir et très capable de pratiquer avec succès tous les exercices corporels en vogue à son époque. Sa physionomie est intelligente, son regard plutôt rêveur. Une de ses épaules est légèrement plus haute que l’autre : défaut très commun, je pense, dans tous les temps, mais surtout lorsque les enfans étaient exercés, dès le bas âge, à tirer de l’arc. Est-ce l’épaule droite ou l’épaule gauche ? Comme les chroniqueurs ne parviennent pas à

  1. James Gairdner, History of the Life and Reign of Richard the Third. A new and revised Edition, 1898. — Voir aussi Letters and papers illustrative of the Reigns of Richard III and Henry VII, edited by James Gairdner, 1861-1863.