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mort. Un trait comme celui-là ne pouvait manquer d’exciter la pitié et l’horreur. Mais ces cheveux blonds ne doivent pas nous émouvoir plus que de raison. Lorsque Marguerite d’Anjou envoyait son fils réclamer une couronne, l’épée à la main, elle savait à quoi elle l’exposait et il ne l’ignorait pas non plus. Aussi bien, le récit le plus vraisemblable nous représente le prince comme entouré dans la mêlée et mis dans l’incapacité de se défendre. Alors, il aurait crié au duc de Clarence : « Succour ! » et, Clarence n’ayant pas répondu à cet appel, le coup fatal aurait été porté, mais personne n’affirme que ce fut par la main de Richard. Que la mort du prince de Lancastre ait été un épisode de la bataille ou un meurtre commis de sang-froid, Richard, s’il fut présent à la scène, n’y assista que comme comparse.

Est-ce lui qui, quelques jours plus tard, donna la mort au malheureux Henry VI, détrôné pour la seconde fois et prisonnier à la Tour ? Mais, là aussi, il y a doute sur la nature de l’événement lui-même. Il est possible que la mort du dernier des Lancastre ait été une mort naturelle. Il était malade et la reine Marguerite avait obtenu la permission de le soigner. La fin cruelle de son fils unique avait dû porter le coup suprême à la nature débile du malheureux petit-fils de notre Charles VI, qui, à quarante-sept ans, offrait déjà les signes de la vieillesse. Mais admettons la version sensationnelle que, dans tous les temps, la foule préfère. A qui la responsabilité du meurtre ? Sir Cléments Markham crée un alibi pour son client en postdatant le décès d’Henry VI. Il n’est pas mort le 21 mai 1471, mais le 23 ou le 24 ; or, ce jour-là, Richard était à Sandwich. Et comment l’écrivain justifie-t-il ce changement de dates ? Par ce fait que, suivant un vieux compte, publié par Rymer, la nourriture des treize personnes qui composaient le service du Roi a été payée, non jusqu’au 21, mais jusqu’au 24. Cette preuve me paraît bien mince. Si peu généreux que l’on suppose le gouvernement d’Edouard IV en ses procédés financiers, est-on absolument forcé de croire qu’il cessa de nourrir les serviteurs du Roi prisonnier à l’heure même où il rendit le dernier soupir ?

Si l’argument de sir Cléments Markham en faveur de Richard me paraît assez faible, ceux sur lesquels s’appuie M. Gairdner pour laisser ce crime à son compte m’échappent complètement. Aucun témoignage n’accuse Richard et on ne voit guère quel