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soulevé simplement contre lui parce qu’il n’avait pas reçu la récompense promise. Un seul homme aurait dû regarder avec indulgence la carrière de Buckingham, et cet homme était Richard lui-même.

J’arrive au fait de l’usurpation. Impossible d’effacer du sommier historique de Richard ce crime qui en amena un plus grand. Comment sir Cléments Markham le raconte-t-il ? Un évêque, nommé Stillington, qui avait été, à une certaine époque, chancelier d’Edouard IV, vient trouver le Protecteur presque à la veille du couronnement de son neveu. Il lui révèle qu’avant d’épouser lady Grey, Edouard IV avait été lié par contrat à une lady Elinour Butler ; qu’en conséquence il n’a jamais été légitimement marié à la reine Elisabeth et que les trois enfans qu’il a eus d’elle sont des bâtards. Cette découverte jette Richard dans un grand trouble. Il se décide, cependant, à soumettre la question aux légistes de la couronne, qui se prononcent pour la dépossession du jeune Edouard V, dont le règne se trouve ainsi terminé avant d’avoir commencé. Nous voudrions savoir bien des choses : et d’abord ce qu’était ce contract avec lady Butler, si c’était un simple engagement ou un mariage véritable, réellement consommé. Nous voudrions savoir si Stillington apportait des preuves à l’appui de son dire ou si on le crut sur parole et, — surtout dans ce dernier cas, — nous voudrions savoir quelle était la valeur morale du personnage. On voyait alors de si surprenans évêques ! Sir Cléments Markham nous assure, il est vrai, que c’était le plus honnête homme de la terre. Mais en est-il bien sûr ? Et, quand nous avons tant de peine à nous faire une opinion sur la moralité des hommes publics qui vivent et agissent sous nos yeux, comment saurions-nous à quoi nous en tenir sur ce Stillington, sur cet oublié qui sort tout à coup de la nuit du passé, sur cette voix inconnue et lointaine qui nous apporte un témoignage en faveur de Richard III ? Mais supposons un moment (pour ma part je n’en croirai jamais rien) que les scrupules du Protecteur fussent sincères. Il avait deux autres neveux, fils de George, duc de Clarence. Il est vrai que le bill d’attainder qui avait mis leur père hors la loi les enveloppait dans la même proscription et les excluait de la succession au trône. Mais rien n’était plus facile, sir Cléments Markham l’admet lui-même, que de rappeler ce bill et de leur rendre leurs droits qui, dans ce cas, eussent primé