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enlevées aussitôt que parues. En un mot, on donnait aux théories pessimistes une publicité énorme : elles étaient proclamées vérités intangibles. Au contraire, les théories qui étaient favorables à la race française n’avaient aucun succès, aucune estime. Elles étaient contestées. On les considérait avec dédain, et la conspiration du silence se faisait autour d’elles.

Au cours du XIXe siècle, les Français ont inventé eux-mêmes presque toutes les idées pseudo-scientifiques qui tendaient à démontrer la déchéance irrémédiable de leur race. Dès le commencement du XIXe siècle, Mme  de Staël et les grands historiens français soutiennent la fameuse théorie que la civilisation européenne, perdue à la décadence romaine, a été sauvée par la pureté de la race germanique. À cette époque, on fit également la stupéfiante découverte que la liberté était sortie des forêts de la Germanie, tandis que le despotisme était l’œuvre de Rome. Henri Martin a encore soutenu ces propositions dans la seconde moitié du XIXe siècle.

En 1854, vient la théorie du comte de Gobineau sur l’inégalité des races humaines. Naturellement, la race que Gobineau proclama supérieure à toutes les autres ne fut pas la française, mais l’allemande. Les Germains, selon cet auteur, sont le sel de la terre.

Vers 1880, se produit l’ensemble des théories sur la supériorité des Anglo-Saxons. De nombreux ouvrages parurent en France pour la démontrer et pour proclamer que les Français ne pourraient jamais ni atteindre ni égaler leurs voisins d’outre-Manche.

À peu près à la même époque on voit surgir la théorie de Aryen, popularisée par un avocat de Montpellier, M. Vacher de Lapouge. Selon lui, l’humanité est partagée entre plusieurs races qui se distinguent par la forme du crâne. Il y a les dolichocéphales blonds, les nobles Aryens, la race supérieure, les eugéniques, d’où provient toute la civilisation du genre humain, et les races inférieures, les vils brachycéphales bruns. Naturellement, M. de Lapouge aussi range la plupart des Français dans la race inférieure, parmi les brachycéphales bruns. La race supérieure, les dolicho-blonds, ce sont les Germains et les Scandinaves.

Dans son long duel séculaire contre les Anglais et les Allemands, la France fut vaincue, par les premiers à Trafalgar et à