obligés de passer par le territoire de la nation rayonnante et d’y faire un séjour plus ou moins prolongé. Cela pousse naturellement à étudier la langue de cette nation, ou cela donne des occasions assez nombreuses de l’apprendre. En second lieu, la position centrale permet aux habitans du pays radiateur de se porter rapidement à tous les points de la périphérie où s’exerce leur action.
Mais la situation géographique ne suffit pas. Il faut encore que le pays radiateur soit non seulement un lieu de convergence des voyageurs, mais encore un lieu de convergence des intérêts matériels, des idées et des sentimens, donc un centre d’affaires, un centre intellectuel et artistique, un centre de plaisirs. Florence jouait ce rôle au moyen âge. Dès le XIIIe siècle, son industrie prend un grand développement et s’exerce de préférence dans les branches qui demandent un travail plus raffiné. Au XIVe siècle, Florence devient le banquier de l’Europe. Tous les grands emprunts s’y négocient. Dans les arts, Florence exerce une primauté incontestable. Les plus illustres artistes de l’Italie, pendant près de trois siècles, vivent dans ses murs. Le centre radiateur doit être aussi un lieu de plaisir, et de plaisirs de tout genre. C’est ce qu’Athènes a été dans l’antiquité. Si Florence a moins brillé sous ce rapport, c’est que les mœurs rudes et violentes du moyen âge favorisaient peu la vie élégante. Néanmoins, dès le commencement du XVe siècle, il se forme à Florence des réunions privées, — en particulier dans les villas des Médicis, — des salons, pourrait-on dire, dont le charme est très grand. La production scientifique et littéraire domine tout. Ce qui pousse les hommes à apprendre une langue, c’est en majeure partie l’ensemble des œuvres d’imagination et des recherches positives auxquelles elle a servi de véhicule. La Toscane a été un foyer d’études et un foyer littéraire dont l’intensité dépassait tous les autres en Italie. Mais si la pensée joue un rôle dominant dans le rayonnement d’un peuple, le rôle du sentiment n’est nullement inférieur. Le rayonnement d’une nation, et par conséquent de la langue de cette nation, est proportionnel à la sympathie qu’elle sait inspirer autour d’elle.
Si l’on peut s’exprimer d’une façon générale, en synthétisant les phénomènes particuliers qui viennent d’être énumérés, on doit dire que le rayonnement d’une nation est en raison directe de la somme de bonheur qu’elle procure à ses voisines.
Une autre des erreurs le plus généralement répandues au