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En Italie, « au moyen âge, le français, plus que le toscan, est en usage au Piémont[1]. » À Naples, le français garde la vogue populaire jusqu’au xvie siècle. Les ouvrages de Marco Polo, les travaux de Brunetto Latini sont écrits en français par des Italiens, parce qu’ils reconnaissent que cette langue est plus répandue[2].

Dès le xiie siècle, en Allemagne, « parler français est le complément de toute éducation libérale et le français devient familier aux personnes de haut parage[3]. » Jusqu’au xive siècle, le français demeure aux Pays-Bas la langue non seulement de la cour et de la chancellerie, mais des abbayes, des fonctionnaires subalternes et même des particuliers[4].

Je pourrais multiplier les exemples. Ceux que je viens de donner suffisent à démontrer qu’au moyen âge, le français exerçait une véritable primauté dans l’Europe occidentale. Cette primauté subit une légère éclipse au xvie siècle, mais l’astre du français se remet à briller d’une lumière de plus en plus éclatante depuis l’époque de Louis XIV et atteint son point culminant sous Louis XV ou même sous Napoléon Ier.

La courte éclipse du xvie siècle est amenée par la recrudescence de faveur des langues classiques. Vers 1530, le cardinal Bembo, en Italie, maniait le latin avec une élégance digne de Cicéron. En 1526, Sannazar publiait son De Partu Virginis, qui est le chef-d’œuvre de la littérature néo-latine. L’engouement pour les anciens fit un peu reculer le français. D’autre part, les langues nationales commençaient alors à s’émanciper. Le portugais arrivait à la dignité de langue littéraire avec Camoëns, l’espagnol avec une série d’écrivains de tout genre. Le français rencontra aussi un redoutable concurrent dans l’italien qui, grâce à la richesse et à la brillante civilisation de la péninsule apennine, lui disputa un instant le sceptre de l’Europe.

À partir de Louis XIV, la royauté du français est de nouveau incontestée. Je n’ai pas besoin de rapporter des faits concernant le xviie, le xviiie et le xixe siècle. Je les ai déjà exposés dans un travail auquel je renvoie le lecteur[5]. De plus, ces faits

  1. F. Brunot. — Histoire de la langue française.
  2. Id., ibid., p. 382.
  3. Id., ibid., p. 383.
  4. Id.. ibid., p. 388.
  5. Voir mon Expansion de la Nationalité française, Paris, Colin, 1903.