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polonaise était une question européenne. L’Angleterre encouragea les insurgés, et lord Russell déclara au Parlement que « cet esprit de nationalité polonaise ne devait jamais mourir et que ce serait d’ailleurs une honte pour l’Europe qu’il mourût ! » Mais cet encouragement ne fut pas de longue durée. Lord Palmerston remit les choses au point, en disant, le 17 février : « Nous avons le droit d’intervenir en Pologne, mais nous n’en avons pas l’obligation. » L’attitude indécise de la France, l’attitude problématique de l’Autriche causèrent une déception cruelle aux Polonais qui se virent les victimes « de ce misérable calcul d’infiniment petits qu’on nomme parfois si pompeusement la raison d’Etat. » Sauf Pie IX qui intervint auprès de l’Autriche et de la France et témoigna une sympathie sincère aux Polonais, la sollicitude européenne ne fut pour eux que partielle et précaire. Elle se tourna bientôt à leur détriment et « jamais pitié ne se montra à ce point meurtrière dans ses effets. » Quant à M. de Bismarck, il faisait entendre que si le tsar pouvait être déclaré déchu de ses droits sur la Pologne pour avoir violé le traité de Vienne, les puissances allemandes pourraient déclarer le roi de Danemark déchu de ses droits sur le pays de l’Eider pour n’avoir pas rempli ses engagemens du traité de Londres. L’Angleterre plia devant la menace ironique venue de Berlin, et se contenta de belles paroles sympathiques à l’égard des Polonais. L’Autriche fit de même et M. de Bismarck triompha.

Je n’ai pas à refaire, on le pense bien, après Klaczko, l’histoire des Duchés de l’Elbe[1] et du démembrement du Danemark. Qu’il me suffise de dire que cette histoire a été écrite de main de maître, et que ceux qui voudraient en parler encore, doivent relire les trois beaux chapitres des Etudes de Diplomatie contemporaine où Klaczko, utilisant les volumineux State Papers anglais et les papiers d’Etat communiqués au Rigsraad, ainsi que des renseignemens précieux et des documens inédits, a jeté la plus vive lumière sur ces graves événemens. Il a étudié et montré le plan de Bismarck, plan simple et hardi, qui tendait à reconstituer l’alliance du Nord, à amener l’Autriche à proclamer l’état de siège en Galicie, province où les Polonais avaient pu jusque-là trouver des volontaires et des armes, et procéder résolument à la spoliation du Danemark, en profitant du désaccord survenu entre

  1. Voyez la Revue du 1err avril 1865.