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respect que je porterai toujours à l’homme d’État éminent dont il m’a été donné d’apprécier le cœur grand, bon et généreux. »


C’est ainsi que ce loyaliste, cet homme à l’âme franche et noble, s’honorait par des déclarations dont chacun devait respecter la sincérité profonde. En réalité, Klaczko aurait souhaité, je le crois, que l’Autriche fît un pas de plus et ne se contentât point d’une sympathie verbale envers la France. Les intérêts de l’Autriche, plus encore que ceux de notre pays, lui commandaient, à son avis, de sortir courageusement d’une neutralité qui, tôt ou tard, devait lui être funeste. Il ne croyait pas que la Russie fût en état de mettre ses menaces à exécution, c’est-à-dire de se jeter sur l’Autriche au cas où celle-ci, intervenant en faveur de la France, déciderait, comme Thiers l’avait un moment espéré, l’Italie à s’associer à elle. Klaczko désapprouvait donc la politique de neutralité craintive ou d’atermoiement prolongé, et il l’avait bien fait voir.

Il ne se contenta point de cette manifestation qui lui avait coûté sa place de conseiller et peut-être un très bel avenir au ministère des Affaires étrangères. Le 30 janvier 1871, au sein des Délégations d’Autriche-Hongrie réunies à Pesth pour statuer sur un projet de crédits relatifs à l’augmentation de l’armée, le député Julian Klaczko prononça un superbe discours dont le thème principal était une critique de la politique abstentionniste pratiquée par l’Autriche. Dans une première partie, il dirigeait de véhémentes attaques contre la Prusse et blâmait l’Autriche d’avoir oublié si vite les attentats dont elle avait souffert ; dans une seconde partie, il s’efforçait de consoler la France en adoucissant la douleur de ses revers et en montrant à quel triste sort se vouait une Europe indifférente ou lâche ; enfin, dans la troisième, comme un prophète, il prédisait l’explosion de la Commune de Paris, puis le relèvement de la France et la nécessité de l’alliance franco-russe qu’il eut le plaisir de voir se former avant de mourir.

Tout ce discours serait à citer. Je me bornerai à en donner les plus importans passages, car ils méritent d’être rappelés. Deux hommes, dans toute l’Europe, l’ancien sous-secrétaire d’Etat anglais, Otway, et le Polonais Klaczko, élevèrent seuls la voix, en 1871, en notre faveur.

Ce qui donnait une saveur particulière aux paroles de Klaczko