Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/631

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

train s’arrrête à Tindivanam, où nous quittons la voie ferrée. Sur le quai m’attend le tassildar, collecteur indigène du taluckia. De ce brahme indolent et correct, obèse, le bogliei verni, réchampi de rouge sur vert sombre, reflète les feux du soleil. Un sais en bottes à revers et en turban pointu, dans le bon style du Nord, tient par la figure le double poney de Pégou et époussette de son chasse-mouches en crin blanc la robe lustrée de la bête cape-de-more, aussi bien nourrie que son maître. Même en pleine famine, un brahme maigre compte parmi les grandes raretés.

Avec ce fonctionnaire plein d’une déférence protectrice, les affaires sont vite réglées. Le gouvernement de Madras me devait sa protection officielle et effective comme à tout chargé de mission. Il me l’accorde sans amitié ni distinction de personne. Des questions irritantes de politique intérieure rendent en ce moment les rapports peu cordiaux entre Pondichéry et Madras. A Vellore, j’en ai senti le contre-coup : dès la seconde journée, j’ai dû laisser l’assistant-collecteur et retourner à Pondichéry. Voyageant pour le gouvernement français, je suis tenu à une grande réserve. Et c’est pourquoi je ne vous ai pas écrit de Tindivanam sur la famine de Vellore et les engagemens de coolies.

A Tindivanam, l’accueil est l’accueil dû, et encore avec le minimum. Officiellement, je suis reçu par l’autorité locale, effectivement je suis nanti de deux pions avec bandoulière aux armes d’Angleterre ; ils se tiendront à mes ordres tout le temps que j’en aurai besoin. Les manikarins, — les maires des villages, — me prêteront assistance, si, de nécessité, je devais m’arrêter avant d’atteindre Genji où je suis attendu. Des voituriers de confiance ont été arrêtés, ils sont là, avec leurs attelages ; pour le prix, les pions connaissent le tarif, et on l’appliquera. Dix-huit milles à faire en charrette à bœufs, et le lendemain, aux premières heures du matin, hôtes et gens, nous serons au terme du voyage.

Ayant ainsi rempli les instructions du grand collecteur du South-Arcot, absent du district, le brahme tassildar me demanda la permission de retourner à ses affaires. Il partit avec son Pégou trotteur, son saïs à bonnet pointu, sous le soleil brûlant, et je restai dans la salle d’attente délabrée, en compagnie du lieutenant Bossand, que le gouverneur de Pondichéry m’avait obligeamment adjoint pour le plan topographique. Mes hommes se dispersèrent à la recherche de rafraîchissemens. La