sement, aujourd’hui que des procès sont engagés sur toute la surface du territoire et qu’un grand nombre de tribunaux ou de cours ont déjà rendu des jugemens ou des arrêts. Au point où en sont les choses, le législateur n’avait qu’à attendre ; il ne pouvait plus évoquer l’affaire par devers lui sans un dessaisissement des tribunaux. Or les lois de dessaisissement n’ont jamais eu une bien bonne réputation dans l’histoire. Encore peut-on comprendre sans l’excuser, qu’un tribunal soit dessaisi d’une affaire qui rentre dans sa compétence, s’il ne s’en est pas encore saisi et surtout s’il ne s’est pas prononcé ; mais qu’on l’en dessaisisse après coup, c’est ce qui dépasse toute mesure dans l’arbitraire, et l’arbitraire ne change ni de nom, ni de caractère, parce qu’il prend la forme d’une loi au lieu de celle d’un décret. Aussi le vote de la Chambre a-t-il provoqué une grande révolte des consciences. Quant à M. le ministre des Cultes, qui a prononcé jadis de meilleurs discours, qu’a-t-il dit pour justifier son projet de loi ? Il ne s’est pas placé sur le terrain juridique comme M. Cruppi, mais sur le terrain politique, et là il a adressé un appel au parti républicain en l’invitant à se préoccuper de ce qui arriverait aux prochaines élections municipales, si des milliers de communes se trouvaient encore engagées, à propos des biens ecclésiastiques, dans des procès dont le dénouement serait incertain, à moins qu’il n’eût déjà tourné contre elles. Tel a été le principal, sinon le seul argument de M. Briand. Mais en est-ce un ? Non, c’est un coup de clairon donné pour rallier la majorité autour d’un intérêt électoral, en sacrifiant un intérêt de morale juridique, d’équité naturelle et de droit.
Cette discussion marche d’ailleurs très lentement. La Chambre, qui est engagée dans celle du budget, ne lui consacre qu’une séance par semaine : c’est comme une tapisserie qu’elle reprend de temps en temps. Elle n’en est encore qu’à l’article 3, et il y en a beaucoup d’autres très importans, dont nous parlerons à leur heure. Il ne s’agit pas seulement de la liquidation du passé, mais encore de l’avenir, c’est-à-dire de savoir si, en dehors des associations cultuelles que le Pape a interdites, il sera permis de faire des fondations pieuses, question vitale pour l’Église et pour les fidèles, mais que nous n’avons pas à traiter dans une chronique de la quinzaine. Nous sommes en présence d’une loi de spoliation : deviendra-t-elle une loi de persécution ?
Il est un peu tard pour parler de la discussion sur le Maroc, qui a eu lieu à la Chambre le 12 novembre : cependant cette discussion à