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des journaux des deux pays a fait souvent apparaître pour le moins de la mauvaise humeur dans la manière dont les Anglais parlaient des Allemands et les Allemands des Anglais. Ils y mettaient de part et d’autre quelque rudesse. Six semaines à peu près avant le voyage de l’empereur, le Times a fulminé un article contre le prince de Bülow, auquel il attribuait, à tort ou à raison, tout ce qu’il y avait eu dans la politique de l’Allemagne de malveillant contre l’Angleterre. On avait cru jusqu’à ce moment que le chancelier accompagnerait son maître à Londres : il n’en a plus été question depuis. Toutefois les deux souverains n’ont pas voulu donner à leur rencontre un caractère purement familial, et l’Empereur a amené avec lui son nouveau ministre des Affaires étrangères, M. de Schœn, contre lequel l’opinion britannique ne pouvait avoir aucun grief, puisque c’est à peine s’il a pris possession de ses fonctions. Les toasts échangés entre le roi Edouard et l’empereur Guillaume ont été parfaitement corrects. On a cherché à la loupe ce qui y était et ce qui n’y était pas, et c’est peut-être là une dernière manifestation d’un état d’esprit d’où on avait de la peine à bannir toute inquiétude. Si cette préoccupation n’avait pas existé, on aurait jugé tout de suite que les deux discours ont été simples et cordiaux.

Mais à peine les fêtes officielles étaient-elles terminées et l’empereur Guillaume s’était-il retiré, pour s’y reposer, dans un château du Sud-Ouest de l’Angleterre, que la nouvelle s’est répandue des formidables arméniens maritimes auxquelles l’Allemagne s’apprêtait à faire face. Il s’agit, dans la forme, de diminuer la durée de service des unités de combat qui existent déjà, ou qui sont en préparation, et en réalité d’en créer d’autres à la hâte à coups de milliards. L’Allemagne semble toujours arrivée au bout de son effort maritime ; mais c’est à peine si elle s’y arrête pour reprendre haleine, et elle fait alors un effort nouveau. Où s’arrêtera-t-elle dans cette voie ? Jusqu’où y entraînera-t-elle l’Angleterre sans parler des autres ? Il va sans dire, en effet, que l’effort militaire d’une nation est la mesure de celui que doivent s’imposer toutes celles qui veulent continuer de faire figure dans le monde et pourvoir à leur sécurité. Nous voilà bien loin des espérances que nourrissait l’Angleterre lorsqu’elle est partie pour la dernière conférence de La Haye ! Elle rêvait de faire accepter par les puissances la limitation des arméniens, qui était dans le programme de la Russie lorsqu’elle a provoqué la réunion de la première conférence, mais qu’elle avait renoncé à maintenir dans celui de la seconde. C’est toujours une attitude facile, de la part d’une puissance