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un traité du 17 février 1670, d’aider le roi de France à se faire élire empereur d’Allemagne à la mort de Léopold. Nous promettions de notre côté de marier un jour le Grand Dauphin, âgé à cette époque de huit ans, à la fille de l’Électeur de Bavière, laquelle en avait neuf. Cette clause aura son contre-coup sur les tribulations de la princesse Liselotte.

L’année suivante, l’Empereur justifia le mépris qu’il inspirait généralement en se laissant gagner par nous. Quinze jours avant le mariage de Madame, le chef de l’Empire germanique signa un traité (1er nov. 1671) où il s’engageait à ne pas aider les ennemis de la France. D’avoir manqué à ses engagemens ne saurait lui être une excuse devant l’Allemagne.

Les petits princes avaient imité les grands princes. Ernest-Auguste, le mari de la duchesse Sophie, nous avait vendu sa neutralité et s’en frottait les mains. Ceux qui en avaient fait autant étaient légion. On ose à peine les blâmer, tant paraissait banal au XVIIe siècle le crime de lèse-patrie ; il n’y avait que vingt ans que le grand Condé s’était battu contre son pays. Charles-Louis, grisé par la « splendeur » et la faveur de sa fille, comptant sur elle pour raisonner Louis XIV en cas de besoin, fut l’un des plus faciles à circonvenir. On lui conta que le roi de France avait l’intention de rétablir le royaume d’Austrasie, fondé à la mort de Clovis, et qu’il lui en destinait la couronne[1]. L’Electeur le crut. L’idée de succéder à Pépin le Bref lui plaisait. Il fit frapper une monnaie qui était « une allusion à la couronne espérée, » et correspondit sur l’Austrasie « avec son futur suzerain » de Saint-Germain. L’histoire de Sancho et de son île n’est pas plus folle. Les conseillers de Charles-Louis eurent grand’peine à le ramener à la réalité, et il prit alors, de tous les partis, le plus impolitique. La guerre de Hollande avait éclaté, et l’Allemagne, alarmée de ses succès, se retournait rapidement contre nous : Charles-Louis résolut de n’être ni pour le roi de France, ni pour l’Empereur, et se mit tout le monde à dos.

Le Palatinat paya les fautes de son maître. Quatre ans de suite il fut piétiné, pillé, pressuré, incendié, par l’un, par l’autre, par tous, sans ménagemens et sans pitié. Qu’un corps de troupes se présentât en ami ou en ennemi, c’était tout comme ;

  1. Geschichte der Rheinischen Pfalz, par L. Haüsser, II, 627.