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rendez-vous en Alsace, L’Électeur demanda du temps pour réfléchir, et finalement refusa. Liselotte et le mariage de Liselotte avaient été de trop grandes déceptions ; il n’était pas pressé de revoir sa fille.


III

Nous sommes obligé de retourner un instant en arrière. Depuis tantôt huit ans que Madame était mariée, il y avait eu bien peu d’événemens dans sa vie ; mais encore faut-il les connaître. Les plus importans avaient été la naissance de ses trois enfans[1] et la mort de l’aîné, le duc de Valois. Ainsi qu’on s’y attend sans doute, Liselotte se montra mère passionnée, adorant ses petits et les défendant comme une lionne, contre les médecins d’abord, puis, quand ils furent plus grands, contre les mauvais conseils et les mauvais exemples. La mort du duc de Valois, qu’elle attribua sans hésitation aux médecins, lui causa un chagrin affreux. Il est cependant à remarquer qu’elle n’aimait pas ses enfans d’avance ; aucun d’eux n’avait été désiré, au contraire, et ce n’était point du tout rancune contre un monde mauvais : Liselotte n’avait pas des sentimens aussi philosophiques ; c’était terreur des grossesses et du reste. La première grossesse l’avait fort contrariée : « (23 novembre 1672). O ma chère mademoiselle Uffeln ! combien il paraît extraordinaire à une gamine de mon espèce de ne plus avoir le droit de courir et de sauter, ni même d’aller en carrosse, et de ne plus circuler qu’en chaise à porteurs. Si encore c’était bientôt fini, on en prendrait son parti ; mais en avoir pour neuf mois, ça n’est pas gai, et je vous dirais volontiers, comme autrefois le prince Gustien à Heidelberg : « Grande-maîtresse[2], je voudrais bien de la patience. Voudriez-vous m’en donner ? C’est de quoi j’ai le plus besoin en ce moment. » Liselotte n’avait pas commencé à monter à cheval lorsqu’elle écrivit cette lettre. La seconde grossesse la désola en coupant court aux chasses avec le Roi. De la duchesse Sophie à Charles-Louis : « (28 décembre 1673.) Madame fait merveille, car elle est encore grosse, dont elle est bien fâchée, puisque cela l’empêche d’aller à cheval. »

  1. Le troisième était une fille, Elisabeth-Charlotte, née le 13 septembre 1676.
  2. Mlle d’Uffeln était devenue grande-maîtresse de la Cour chez la duchesse Sophie.