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Page:Revue des Deux Mondes - 1907 - tome 42.djvu/847

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et sucrée. Deux vieillards, les longs cheveux bouclés au-dessus des oreilles, portant tablier de cuir comme nos cordonniers, veston noir et cravate rouge enroulée sous le menton, penchent, à la lumière de la lampe, les larges méplats et les saillies rugueuses de leur face rasée. L’un racle de son archet un instrument de bois monocorde, admirable, paraît-il, pour accompagner les chants d’église. L’autre, un livre de cantiques ouvert entre ses doigts noueux, a entonné un psaume que répètent, près du foyer où elles sont assises, deux fillettes et une grosse femme, aussi rouge que son tablier, les mains aussi tannées que sa jupe de cuir, ficelée à en déborder dans son corsage en peau de mouton. Devant les deux vieillards, deux jeunes gens, habillés en messieurs des villes, vissés sur leur chaise, regardent les étoiles de Judée, dont l’or et l’argent scintillent aux branches du sapin suédois. A notre entrée, personne n’a bronché, hormis la mère qui a interrompu son psaume et nous a souhaité la bienvenue, d’une figure extraordinairement avenante.

C’était peu de chose que cet intérieur, et pourtant j’y ai senti plus qu’une halte dans le labeur du paysan, plus que la tranquillité d’une veille de fête, plus que le plaisir de chanter ensemble un chant d’église. Les pierres du foyer luisaient comme des dalles d’autel. Les ferrures et les moindres clous brillaient. Cette pièce, où flottait un Acre relent de bergerie, était pleine de solennité. On s’y reposait, mais d’un repos sans détente, et ainsi qu’on fait, lorsque, les préparatifs terminés, on attend l’arrivée de l’hôte. L’hôte attendu s’était mis en marche à la tombée du soir. Il avait changé de nom au cours des temps ; mais, qu’il annonçât le retour du soleil ou l’anniversaire d’un Sauveur, qu’il fertilisât les champs ou les âmes, il était toujours resté aussi exact et à peu près le même. Et dans chaque maison où il entrait, si misérable qu’elle fût, il réveillait l’amour du songe, et la joie grave de voir, encore une fois, en famille et sur cette terre bénie, renaître l’antique lumière sous la forme d’un Enfant Dieu.

Je trouvai à l’hôtel de Leksand trois peintres et un inspecteur des forêts. La salle à manger resplendissait. Un grand arbre de Noël montait jusqu’au plafond. La table du milieu ployait sous les victuailles : morue traditionnelle, riz, pruneaux, saucisses, jambons, et, dominant les plus hauts plats, une hure de