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architecturale et l’absence presque complète de mobilier en rend l’entretien peu onéreux. Le paragraphe de l’article 11, dont nous avons cité le texte, appliqué en dehors de toute passion politique et loin de la surveillance des loges maçonniques, permet au gouverneur général, — et il sera bien inspiré en usant de la faculté qui lui est laissée, — de continuer pendant dix ans à payer, jusqu’à concurrence de 1 800 francs, tous les ministres du culte qui émargeaient jusqu’à présent au budget algérien. Il est moine possible, à en croire les journaux locaux, que l’on trouve un biais pour maintenir, sous prétexte d’une fonction accessoire quelconque, l’intégralité des anciens traitemens. Enfin, s’il est démontré, pendant dix ans, que le maigre budget consacré par l’Etat au culte musulman n’est pas de l’argent mal employé, rien sans doute ne s’opposera à la continuation d’un régime qui aura de nouveau fait ses preuves. Rien ne dure autant, surtout en France, que le provisoire.

Mais si le clergé musulman est l’objet, en Algérie, d’un traitement favorable, il serait inadmissible qu’un traitement rigoureux fût appliqué au clergé catholique. Les indigènes ne s’aperçoivent que trop de la défaveur qui pèse sur ceux qui pratiquent la religion qu’ils sont habitués à considérer comme celle de la France[1] ; ils s’en étonnent et, comme ils ont beaucoup d’esprit de justice, ils s’en indignent. L’abandon des temples leur paraît le signe certain de la décadence des peuples, et, cette décadence, ils l’escomptent et ils l’espèrent. S’ils voient les églises des vainqueurs tomber en ruines, leur religion désertée, pauvre, honnie, dénoncée comme une ennemie, tandis que leurs mosquées à eux seraient bien entretenues et le respect de leur culte affirmé dans les discours officiels et recommandé à tous les agens de l’autorité, qu’en pourront-ils conclure, sinon que la France respecte leur foi parce qu’elle la juge supérieure ou parce qu’elle la redoute ? Toute inégalité de traitement serait choquante et irait directement contre son but : il serait imprudent de donner aux indigènes le spectacle du vaincu traité avec plus de déférence et d’égards que le vainqueur. Il faut prendre garde

  1. Un indigène, naturalisé français et devenu instituteur, disait un jour à un haut fonctionnaire algérien : « Je suis catholique, mais, je vous en prie, ne le dites pas, je serais mal noté par l’administration. » Le mot est topique et révélateur.
    Pendant le ramazan, chaque soir, au coucher du soleil, un coup de canon tiré d’une de nos batteries annonce officiellement la fin du jeûne. Il n’y a rien d’analogue pour aucune fête chrétienne : les indigènes le remarquent et le commentent.