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REVUE LITTÉRAIRE

CHARLES NODIER ET LES DÉBUTS DU ROMANTISME

L’oubli a vite fait de recouvrir les réputations les plus brillantes et bientôt ceux-là seuls émergent que le bon Nodier appelait les « colosses de la littérature ; » mais pour mesurer de combien de coudées ils ont dépassé les hommes de leur temps, il est nécessaire de placer à côté d’eux l’image de littérateurs plus humbles. De même, pour apprécier le degré d’originalité de ces grands maîtres, nous avons besoin de savoir quels matériaux ils ont eus à leur disposition, dans quelle atmosphère d’idées et de sentimens ils se sont trouvés ; et nous allons le demander à d’autres écrivains, à ceux qui ont reflété fidèlement, et sans la troubler par aucun élément personnel, cette atmosphère contemporaine. Qu’on ne tienne pas pour dénués démérite ces écrivains modestes ! Il n’est pas si facile d’exprimer l’âme diffuse d’une époque ou seulement d’un groupe social. A mesure qu’une influence nouvelle se fait sentir, ils s’y prêtent aussitôt et l’aident à se manifester ; en adoptant chaque mode, ils la précisent et lui confèrent quelque durée ; il leur faut pour cela des qualités fort estimables : l’ouverture de l’esprit, la sympathie de l’intelligence, la souplesse du talent. Ils ne sont pas à l’origine du mouvement, mais ils vont dans le même sens que lui, et l’accompagnent dans toute son étendue. Ils ne sont ni des initiateurs, ni des précurseurs, mais ils sont des « témoins. » Leurs œuvres, quand nous les reprenons aujourd’hui, nous semblent étrangement surannées, parce qu’elles ne portaient pas en elles-mêmes leur principe de vie et qu’elles ont été seulement au goût d’un jour ; toutefois leur rôle n’a pas été inutile.