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nous amener à défendre notre honneur, notre prestige et notre situation dans le monde. » Voilà qui est on ne peut plus rassurant ! Il semble, en vérité, que M. de Bülow n’ait pas encore lu les aveux, dépouillés cette fois de tout pharisaïsme, faits par M. de Bismarck sur les circonstances qui ont amené les événemens de 1870. On sait pourtant aujourd’hui par qui la guerre a été froidement provoquée. Mais à quoi bon insister ? Nous constatons seulement que, si le langage de M. de Bülow est correct, ses intentions restent douteuses, et qu’elles ne sont pas de nature à nous endormir dans une fausse sécurité.

Est-ce bien là le but que l’Allemagne se propose ? Il semble qu’elle veuille nous maintenir dans l’incertitude, au risque de nous tenir toujours en haleine. Nous devons en prendre notre parti, répondre à sa correction de forme par une correction égale, ne jamais dépasser la limite de nos droits certains, mais ne pas craindre de la remplir. Au surplus, si nous avons nos préoccupations, le gouvernement allemand a les siennes qui ne sont pas moindres, soit à l’extérieur, soit à l’intérieur. La place nous manque aujourd’hui pour raconter les étranges événemens qui se sont passés ces derniers jours à Berlin. M. le prince de Bülow a menacé le Reichstag, ou, pour mieux dire, sa majorité au Reichstag, cette majorité qu’il a faite de pièces et de morceaux aux élections dernières, de donner sa démission si, après avoir fait mine d’indépendance, elle ne s’inclinait pas devant lui. Elle s’y est inclinée très profondément. Le bloc, — car il y en a un aujourd’hui à Berlin, comme il y en avait un hier à Paris, — le bloc s’est reformé, dès que M. de Bülow a parlé de se retirer, et en effet, s’il se retirait, le bloc ne serait plus viable : il faudrait faire tout de suite de nouvelles élections. La majorité a reculé épouvantée et s’est reformée docilement devant cette perspective. Il n’en reste pas moins vrai que le bloc allemand est trop paradoxal pour n’être pas quelque peu fragile. Le nôtre avait au moins l’avantage d’être formé d’élémens politiques voisins les uns des autres et qui se touchaient sans discontinuité. Celui de Berlin comprend à la fois les conservateurs et les radicaux, en passant par les nationaux-libéraux. C’est un prodige d’équilibre qui durera ce qu’il pourra, mais ce n’est assurément pas une construction naturelle. Il s’est formé, on s’en souvient, sur une base purement nationaliste, et c’est dire qu’il votera toutes les augmentations militaires et navales qui lui seront proposées. Il votera aussi la loi sur les expropriations polonaises dont nous aurons à parler un jour. Il votera enfin la loi sur les réunions et les associations dont la discussion est déjà commencée : elle a pour objet d’interdire l’accès