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semble-t-il, à leur dénouement, les événemens de cette vie incroyable à récapituler. En 1869, le monarque aujourd’hui déchu succède à son grand-oncle Li-Ping, mort sans enfans, sous la régence (à peine avait-il douze ans) de son père Li-Leng-Yug, le personnage bien connu dans l’histoire de l’Extrême-Orient sous le nom de Taï-Wen-Kun ou le « Maître de la grande cour. »

Cet homme était despotique, ambitieux et cruel. Il fit peser sur le pays une vraie terreur, il persécuta les chrétiens, supprimant par centaines des citoyens paisibles et vertueux.

Li-Hi, majeur en 1873, arrêta aussitôt ces exécutions et ouvrit le pays aux étrangers. Le « Maître de la grande cour » tenta par tous les moyens d’entraver une politique contraire à ses intérêts. En 1876, il avait élaboré tout un plan pour réduire son fils au suicide : voyant son dessein déjoué par les partisans de l’Empereur, il ne leur ménagea pas une cruelle vengeance. Avec l’aveu du gouvernement de Pékin, le meurtrier fut embarqué de force sur un navire chinois, exilé du royaume. Mais avec le vieux régent l’autorité du monarque semble avoir disparu. Alors s’ouvrit l’ère des luttes et des révolutions et pour de longues années, dans les rues de Séoul, soldats japonais et chinois se livrèrent de vraies batailles. Aux malheurs publics s'ajoutent les infortunes privées du Souverain. En 1884, il n’échappe que de fort peu à une conspiration formée contre ses jours. En 1885, il pardonne à son père. Le Tai-Wen-Kun regagne Séoul, reçu avec tous les honneurs dus à son rang. Invité à participer à la fête qui se déroule au temple des Ancêtres, il prétexte un léger malaise et s’abstient. Or, la cour à peine réunie, une mine souterraine fait explosion. Les ravages sont immenses, mais la famille impériale est indemne. Dix ans après, l’Impératrice devait succomber. En 1898, Li-Hi résiste durant plusieurs jours à toutes les sommations d’abdiquer qui lui sont adressées. Quelques semaines plus tard, il repousse une coupe empoisonnée, après y avoir déjà trempé ses lèvres et subit une longue maladie. Impuissant, il assiste aux luttes des Japonais avec les Chinois et les Russes, causes pour ses États de douloureuses dévastations. En 1897, on lui a permis de s’intituler empereur du Tai-Han ou grand empire ; mais le traité de Portsmouth donne à ce rêve de grandeur une fin hâtive : l’indépendance coréenne est morte. Une à une, les légations étrangères se ferment, et les