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turne et léthargique, ses pensées errent dans de vagues espaces. Ayant à peine dépassé la trentaine, il marque un âge beaucoup plus avancé. Haut de taille, ventripotent, il se distingue par la lourdeur et l’immobilité des traits. Un regard fixe se dégage péniblement des paupières mi-closes, et les membres sont figés comme chez une statue. Marié depuis bientôt dix ans, le souverain est dépourvu de toute progéniture. Aussi fut-il souvent question de donner le titre d’héritier présomptif au fils cadet de Li-Hsi, jeune homme très actif et remarquablement doué, que de longs séjours à l’étranger et de sérieuses études poursuivies particulièrement aux États-Unis ont mis en mesure de répondre efficacement à l’appel possible de son pays. Derrière les deux princes se groupent des factions également nombreuses. Mais il semble que les vertus mêmes du fils cadet de l’Empereur soient pour le faire éliminer du trône à jamais.

En attendant, nul ne sait ce qui va advenir du vieux monarque. Au lendemain de l’abdication, les conquérans japonais parlaient de lui donner comme retraite dernière soit Chemulpo, soit le palais de Kyong-Kurido où s’allongent les tombes royales. Mais l’Empereur a refusé de quitter ses appartemens, déclarant qu’il céderait à la seule violence. À la nouvelle de l’exil imminent du souverain, le peuple se révoltait déjà dans les rues. Les Nippons se tinrent cois. Le projet d’exil, afin de laisser tomber toutes les colères soulevées, semble temporairement abandonné. Du reste, des questions plus importantes sollicitent l’attention du ministre des Affaires étrangères Hayachi, arrivé ici à la veille de l’abdication, en conférence avec le gouverneur général durant des journées entières. Il s’agit de rédiger le document qui sans équivoque établira en Corée l’omnipotence nippone. Dans la soirée du 24 juillet, le marquis Ito, faisant appeler le président du conseil coréen, l’a chargé de présenter immédiatement au monarque le texte du nouveau traité. L’audience a été courte, et le ministre a pu sans délai annoncer au gouverneur la ratification impériale. Sans perdre de temps, en pleine nuit, les hommes d’État réunis en conférence ont élucidé les points de détail encore douteux, ne se séparant qu’au lever du jour.

En un mot, le traité livre aux Japonais l’administration tout entière de la Corée. En voici le texte :


« Les gouvernemens du Japon et de la Corée, ayant en vue