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Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/213

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Enfin, le port de Chemilpo se remplissait de cuirassés nippons. L’occupation de la Corée par le Japon est maintenant complète.


XV. — CONCLUSION


Cette fin de l’indépendance coréenne était inévitable. Sorti victorieux des guerres contre les puissances voisines et jouissant en Extrême-Orient d’une hégémonie certaine, le Japon devait à tout prix prendre pied à Séoul. Mais, tout en acceptant l’événement comme répondant à d’inéluctables nécessités, l’univers s’est demandé si l’appareil des coups d’État et des voyages du ministre des Affaires étrangères, la mise en scène de l’abdication, au prix de sanglantes émeutes, n’avaient pas été superflus. N’eût-il pas été plus simple et plus digne de s’installer en Corée sans détours, à visage découvert ?

Le pays a de tout temps été prédestiné au régime qu’il connaît aujourd’hui. Dès les époques les plus reculées, nous le trouvons dans la vassalité de ses voisins. Lors de la dynastie des Tang, qui rassembla en un seul corps les trois royaumes de Chosen, et tant que se perpétuèrent les maisons des Tsin, des Han, des Sun, la suprématie chinoise s’affirme, indiscutable. De leur côté, les hordes mongoles n’ont cessé de ravager et d’occuper le territoire coréen. Au xvie siècle, c’est aux Japonais qu’il appartient de parler en maîtres, puis, de nouveau, aux empereurs mandchous qui, de Pékin, dominent Séoul. Leur suzeraineté ne s’éclipse qu’au traité de Simonosaki, après les lourdes défaites que leur inflige le Japon. Pour sauvegarder son indépendance dans ces événemens critiques, la Corée n’a su s’imposer aucun sacrifice, n’a pas fait mine de s’armer, contente en apparence de cette indépendance de façade que lui concédaient les actes diplomatiques, de ce titre impérial assumé audacieusement par son souverain. Quand sonna l’heure décisive, aussi dénuée de fer que d’or, elle n’a pu que courber le front devant les sommations nippones. Par contraste avec cet affaissement national, combien l’activité japonaise depuis trente ans n’est-elle pas remarquable ! Les Nippons ont lentement conquis le pays par leurs capitaux, leurs banques, leurs chemins de fer, leurs lignes de navigation ; ils ont même essayé d’en réorganiser l’armée à l’image de la leur. Dans leur triste situation, les Coréens, abdiquant leur colère, n’espéraient-ils pas de leurs vainqueurs le salut ? Un homme