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telles quelles les périodes militaires, il aurait entraîné l’opinion de l’Assemblée, et si alors, avec la force nouvelle qu’il aurait acquise, il était revenu devant la Chambre en lui demandant de procéder à un nouvel examen de la question, qui sait ce qui serait arrivé ? En tout cas, le ministre aurait rempli son devoir. Mais M. de Freycinet et M. Mézières ont seuls rempli le leur, et nous avons la tristesse de dire que ce n’est pas assez. Ils ne sont pas ministres ; ils ne sont pas le gouvernement ; leur autorité ne tient qu’à leur personne. Pour nous c’est beaucoup ; leur autorité nous apparaît fort supérieure à celle d’un ministre de hasard ; mais les parlementaires ont besoin d’un répondant officiel devant les électeurs. Ce répondant leur a fait défaut au Sénat. Le ministre a cédé, la Commission a cédé, le désastre est complet. Et nous tremblons pour l’avenir. Si c’est là, en effet, ce que les Chambres imaginent au surlendemain des élections dernières, qu’inventeront-elles à la veille des élections prochaines ? Quelle diminution imposeront-elles encore à notre armée ?


La Chambre a achevé de discuter et elle a voté la loi relative à la dévolution des biens ecclésiastiques. Nous l’avons dit, cette loi est inique, et elle viole par sa rétroactivité tous les principes de notre droit. C’est une de ces mesures d’exception et de spoliation, comme d’autres régimes en ont pris sans doute ; mais ce n’est pas une excuse pour la République : elle ne devrait pas aller chercher des exemples et des excuses dans les époques de bon plaisir. Les temps sont changés, sinon les hommes, et le progrès des mœurs a rendu plus odieux des actes qui autrefois le paraissaient moins. Aussi la loi sur la dévolution des biens ecclésiastiques a-t-elle produit un effet fâcheux, et, parmi ceux qui l’ont votée, il semble bien que beaucoup ne l’aient pas fait sans répugnance. Mais la crainte d’être taxés de cléricalisme, mère de tant de lâchetés, a été chez eux plus forte que tout. Quant à M. le ministre des Cultes, qui s’est montré jadis mieux inspiré, il n’a usé dans tout ce débat que de deux argumens : l’un est précisément que d’autres régimes avaient fait ce qu’il proposait de faire ; l’autre est que, si les catholiques perdent les biens dits ecclésiastiques, c’est leur faute. Pourquoi n’ont-ils pas accepté la loi de 1905 ? Pourquoi n’ont-ils pas formé d’associations cultuelles ? Nous répondrons à M. Briand qu’on peut trouver de tout dans le passé : cependant, nous ne nous rappelons pas qu’une loi ait encore frappé de nullité des procédures entamées, peut-être même des jugemens déjà rendus. La loi nouvelle innove : au lieu de s’appuyer