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si nous voulons obtenir de bons et durables résultats, paraît tout indiquée : c’est de convaincre le Makhzen et, ce qui est plus difficile et sera plus long, les Marocains, que nous ne songeons nullement à leur prendre leur pays, que nous ne voulons en faire ni une colonie proprement dite, comme l’Algérie, ni un protectorat comme la Tunisie, ni une terre en tutelle comme l’Egypte. Évidemment il peut en coûter à notre amour-propre d’avoir à renoncer au grand projet sur le Maroc, qui risque de devenir la folie marocaine ; et il faudra du temps pour dissiper les appréhensions que le Makhzen et la population ont pu concevoir. L’attitude que nous recommande la prévoyance, plus encore que la prudence, peut d’ailleurs s’allier avec la fermeté pour réprimer les outrages des Marocains, notamment sur notre frontière algérienne. Nous possédons le droit de suite depuis soixante ans et l’Europe nous l’a solennellement reconnu à Algésiras ; nous pouvons et devons en user contre les Beni-Snassen et tous autres qui imiteraient leurs incursions. Dans les dernières années du second Empire, alors que la limite des postes était beaucoup plus au Nord dans la province d’Oran, le général de Wimpfen s’avança dans le désert en plein Sud-marocain sur le Guir : aujourd’hui, si nos postes, nos sujets, nos tribus soumises ou amies, étaient l’objet d’attaques dans le Sahara, il serait conforme au traité de 1845 et à la reconnaissance de nos droits par la Conférence d’ Algésiras que nous allions jusqu’au Tafilelt pour châtier les délinquans : c’est là l’exercice légitime du droit de suite. De même en Mauritanie, nous n’avons aucunement à nous gêner à l’endroit des émissaires marocains qui entraveraient notre action.

Pour le reste, à savoir le Maroc proprement dit, nous devons nous en tenir strictement aux conventions d’Algésiras. Elles nous sont très utiles, beaucoup plus encore par leurs parties négatives que par leurs parties positives. Ce que nous pouvions redouter, c’est qu’une puissance hostile vînt s’établir au Maroc, l’Angleterre, avant l’entente cordiale, eût pu être cette puissance ; on s’est toujours demandé si l’Allemagne ne le serait pas un jour. Or, la convention d’Algésiras, signée par la généralité des nations européennes et par les Etats-Unis, prévient tout établissement d’une puissance quelconque au Maroc ; c’est pour nous une précieuse assurance. Cette même convention d’Algésiras a pour nous divers autres avantages que M. Ribot a mis, avec