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les pêcheries, dans les mines, dans les usines, sauf en vertu d’une autorisation spéciale des fonctionnaires locaux, autorisation qui toujours est refusée. Ils relisent aussi, en le méditant, le livre du capitaine Mahan[1], bréviaire de leur patriotisme : « L’apparition du Japon comme un puissant État ambitieux, reposant sur de solides fondations politiques et militaires, mais qui a à peine atteint une condition d’équilibre sur le terrain international, a joliment secoué le monde. Nous nous trouvons à l’ouverture d’une période où la question doit être posée de façon décisive, bien que l’issue en puisse être longtemps différée, — celle de savoir si c’est la civilisation occidentale qui doit dominer d’un bout à l’autre de la terre et en contrôler l’avenir. »

Ce « contrôle de l’avenir, » sur le terrain des idées et sur celui des intérêts, peut mettre un jour aux prises Américains et Japonais. Le gouvernement du Mikado, dans sa forme actuelle, n’est point capable d’entraînemens et ne fera pas de guerres inutiles ou dangereuses. Mais de même que s’est transformé dans le passé l’outillage du Japon, de même ses conditions politiques peuvent se modifier dans l’avenir. L’entraînement irréfléchi des foules peut l’emporter sur l’action réfléchie des « Anciens. » Que la population, d’un progrès colossal dans sa continuité, s’accroisse jusqu’à saturer les débouchés immenses ouverts par les dernières guerres, en faudra-t-il plus pour que les Hawaï et les Philippines soient convoitées comme l'ont été ou Formose ou la Corée ? Mais, — sans parler de la difficulté de saisir ces proies nouvelles, — bien des années passeront avant qu’il en soit ainsi. Et ces années peuvent, de part et d’autre, n’être pas perdues pour la paix. Il semble actuellement qu’on cherche à prévenir un nouveau conflit en négociant au sujet des deux questions couplées de l’immigration et de la naturalisation. Restreindre l’entrée des coolies japonais, conférer la nationalité américaine à ceux des sujets du Mikado qui se sont établis aux États-Unis de façon permanente, tels seraient les deux termes de cette solution. Rien, il est vrai, n’autorise à croire qu’elle ait fait jusqu’ici l’objet de pourparlers officiels, et alors même que ces pourparlers s’engageraient, alors même qu’ils aboutiraient, le problème, dans ses élémens essentiels, subsis-

  1. Voyez Mahan, le Salut de la race blanche et l’Empire des mers (traduction Izoulet).