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s’irrita, intimida les prêtres ; sur 800, 60 cédèrent, et puis s’en furent en pénitence, sur un signe de l’archevêque, au séminaire de Saint-Pierre près de Fribourg. Les sommations badoises, rendues vaines par la résistance de Vicari, cherchèrent une revanche.

Ce fut seulement le 5 mars 1853, après deux ans d’attente, que les gouvernemens firent connaître leur réponse. Le mémoire épiscopal n’était pas exaucé. Les gouvernemens persistaient à vouloir s’immiscer dans les examens ecclésiastiques qui ouvraient le grand séminaire et donnaient accès aux cures, et à revendiquer, dix mois de l’année sur douze, le droit de pourvoir souverainement aux cures vacantes ; ils s’opposaient à l’établissement de petits séminaires, ou bien ne les permettaient qu’à la condition de les traiter comme des institutions d’État ; ils se réservaient la nomination des professeurs de théologie et ne laissaient d’autre droit à l’évêque que celui de donner, avant la nomination, un avis consultatif et de transmettre au pouvoir civil, le cas échéant, des observations sur l’enseignement donné et sur les manuels employés ; ils restreignaient, mais ne supprimaient pas, l’obligation du placet ; ils subordonnaient à l’autorisation laïque un grand nombre des cérémonies cultuelles ; ils affirmaient leur droit de permettre ou de prohiber les congrégations, d’accepter ou de refuser le vicaire général nommé par l’évêque ; ils déniaient à l’évêque la libre administration des biens d’Église. La suppression des « doyens grand-ducaux, » qui, depuis un quart de siècle, surveillaient le clergé au nom du pouvoir laïque, était un sacrifice de l’État policier ; mais cette concession, et quelques autres encore, ne pouvaient atténuer l’effet pénible de ces formules d’absolutisme, qui demeuraient suspendues comme une menace sur la vie de l’Église.

Deux fois réunis à Fribourg, en avril, puis en juin 1853, les évêques protestèrent, d’abord par une lettre collective, puis par un second mémoire, dans lequel ils appuyaient leur résistance sur la volonté formelle de Rome. Moins de vingt ans plus tôt, dans cette province du Haut-Rhin, les hauts prélats semblaient surtout anxieux que Rome se mêlât de leurs affaires et que des ordres du Saint-Siège vinssent secouer leurs mitres sur le mol oreiller de la servitude. Au contraire, en 1853, c’est en resserrant leurs liens avec Rome, et en les étalant, qu’ils prétendaient secouer ces autres liens où l’État les garrottait ; et dans leur élan vers la liberté, il leur plaisait de se sentir soutenus, encouragés, obligés