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convenait : « L’assimilation des recherches historiques et psychologiques aux recherches physiologiques et chimiques, voilà, disait-il, mon objet et mon idée maîtresse. » Et aux critiques de son ami Cornélis de Witt, il répondait : « Crois-tu qu’on ferait le métier que je fais, si l’on ne croyait son idée vraie ? Non, cent fois non. Mieux vaudrait mille fois être banquier, épicier… Nous n’avons qu’une seule compensation, la croyance intime que nous sommes tombés sur quelque idée générale très large, très puissante, et qui d’ici à un siècle gouvernera une province entière des études et des connaissances humaines… Nous ne valons, nous ne vivons, nous ne travaillons, nous ne résistons que grâce à notre idée philosophique. »

Quand on croit avec cette ferveur à la toute-puissance des idées abstraites, il est tout naturel que, dans un moment de grande crise nationale, on mette au service de la patrie commune les facultés qu’on peut avoir pour découvrir la vérité et pour la propager. C’est ce noble dessein qui a présidé à la lente élaboration de la dernière grande œuvre de Taine, ces Origines qui devaient tour à tour susciter des jugemens si contradictoires et si passionnés. « Je suis bien heureux, écrivait-il à un lecteur dans une lettre inédite, que l’Ancien Régime vous ait paru impartial : j’ai tâché d’être purement historique ; mais les hommes de parti ne veulent pas le croire. Avant-hier, un de mes amis légitimistes me faisait entendre que j’avais gardé des préjugés bourgeois contre l’Ancien Régime, et un autre, républicain, me disait : Vous avez fait effort pour dire toute la vérité, mais on voit que vous insistez avec plaisir et préférence sur les vérités désagréables à la démocratie… » Il avait le droit de croire qu’il n’apportait à son enquête aucune espèce de parti pris politique. Son idéal, à cet égard, autant qu’on en peut juger par des notes datées de 1862, était fort modeste et se ramenait à fort peu de chose.


Les libertés locales ou municipales comme aujourd’hui en Belgique, en Hollande, en Angleterre, aboutissant à une représentation centrale. Mais la vie politique locale est contre la constitution de la propriété et de la société en France. Rien à faire, sinon à adoucir la centralisation excessive, à persuader au gouvernement, dans son propre intérêt, de laisser un peu parler.


Dans ces dispositions d’esprit, fort peu belliqueuses, et qui semblent avoir daté d’assez loin, il avait quelque mérite, en 1851, à refuser, « l’air retentissant de menaces de destitution, » son