Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/609

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

aspect. Si l’on détache quelqu’une de ces sculptures, on a vite fait de reconnaître, qu’elle est de terre cuite, toujours creuse, certainement estampée dans un moule, et qu’elle ne diffère en rien de ces ouvrages de potier dont s’ornent encore aujourd’hui les gopuras hindouistes modernes, tout aussi bien que les frontons djaïnas. J’ai ici, sous les yeux, les tympans en queue de paon des grands magasins à toit en dos de bahut, travaillés dans le même esprit.

Les gros bastions terrassés et les tours de style identique, les ouvrages à angles vifs, cavaliers, ravelins ou demi-lunes, sont l’œuvre des Français et des Anglais, au XVIIIe siècle. La solidité est leur recommandation unique ; aucun d’eux, pas plus que la « Batterie royale, » qui balayait l’avenue de la porte de l’Est, que ceux groupés au pied du Chandraja-Dourgan, ne mérite une mention détaillée. Les vastes embrasures qui séparent les merlons prouvent simplement que la grosse artillerie ne faisait pas défaut dans la place.

La grande montagne de Genji, le Radjah-Ghiri, est entourée par une enceinte très complète que trois murailles divergentes relient à la face occidentale de la seconde enceinte. On y accède par une porte en ruine qui regarde le Sutty-Koulam et la large voie sablonneuse, bordée d’une maigre brousse, qui passe entre ces vastes magasins dont le toit en couvercle de bahut porte sur les chéneaux des séries de pagotins minuscules et sur chacun des tympans une queue de paon épanouie. Ces magasins, bâtis en briques et crépis, rappellent, par leur caractère général, le style djaïna. Ils semblent peu anciens. A peine les devrait-on dater du XVIIIe siècle. Sans doute furent-ils construits par des Banians qui y tenaient leurs réserves de grains. Chacun d’eux représente un vaisseau sans étage, d’une vingtaine de mètres en longueur sur dix environ de largeur et huit en hauteur. Les parois ne portent ni ornemens ni figures. Le long d’une des petites faces monte un escalier de pierre aboutissant à un palier. De cette plate-forme, peut-être un chef donnait-il ses ordres aux manœuvres, ou parlait-il à une assemblée.

A regret j’ai dû renoncer à camper dans un de ces superbes bâtimens, où j’aurais trouvé un peu de fraîcheur et un abri assuré contre la rosée de la nuit. Mais, travaillés par la crainte des démons de Genji, mes hommes ne voulurent rien entendre : « Tout cela vit à l’heure où les ténèbres couvrent la terre. »