Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1908 - tome 43.djvu/669

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

vitraux du XVIe siècle qui sont demeurés à peu près intacts[1]. Ce qui attire d’abord l’attention, dans ces grandes pages éclatantes, c’est le portrait des Bourbons. On les voit agenouillés en une longue file, depuis Robert de France, sixième fils de saint Louis, le chef de la maison, jusqu’à Charles de Bourbon, le grand-père d’Henri IV. Il y a là les Bourbons de Moulins, à côté des Bourbons-Vendôme, et des Bourbons, comtes de la Marche. Jamais famille française n’étala aussi orgueilleusement sa noblesse dans la maison de Dieu. Mais voici cependant, au-dessus de ces portraits, l’histoire d’un saint. Elle se déroule tout entière en nombreux épisodes, de son enfance à sa mort. Quel est ce saint à qui tous les Bourbons semblent avoir voué un culte ? On le devinerait vite, même si les inscriptions ne le nommaient pas. Ce saint est un des leurs, c’est l’illustre ancêtre de la famille, c’est saint Louis. En le vénérant, les Bourbons s’adorent un peu eux-mêmes. Tous les patrons particuliers, les saint Pierre ou les saint Charles, s’évanouissent devant le grand saint qui saura bien, tout seul, défendre sa race. Aux yeux des Bourbons du XVIe siècle, saint Louis devait ressembler à ces héros divinisés qu’on rencontre à l’origine des grandes familles d’Athènes ou de Rome.

Il existe donc toujours un profond rapport de sympathie entre les donateurs et les images de saints qui les accompagnent. Mais parfois ce rapport ne se découvre qu’à l’érudit.

Il y a à Ambierle, près de Roanne[2], une église monastique qui est un des plus rares chefs-d’œuvre du XVe siècle. Le chœur surtout, emporté d’un magnifique élan, transfiguré par la lumière irréelle des vitraux, semble tout esprit. Cette belle église doit sa perfection à la volonté d’un homme. Le prieur Antoine de Balzac d’Entragues lui consacra sa fortune. C’est lui assurément qui choisit les saints dont les grandes figures se superposent dans les verrières, sous des dais blanc et or[3]. Ces saints forment une assemblée qui d’abord étonne. On s’explique sans peine, il est vrai, la présence de saint Antoine, patron du donateur, aussi bien que celle de plusieurs saints vénérés dans les environs d’Ambierle, saint Germain, saint Bonnet, saint Haon. Mais que

  1. Les vitraux ont été commencés en 1559. Voyez abbé Bossebœuf, le Château et la chapelle de Champigny-sur-Veude, Tours. Le château de Champigny appartenait aux Bourbons.
  2. Département de la Loire.
  3. Ces vitraux ont dû être faits entre 1470 et 1491.