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Les saints qui défendent contre la mort subite : — voilà donc d’abord ceux que les derniers siècles du moyen âge ont honorés d’un culte particulier.

Déjà célèbre au XIVe siècle, saint Christophe le devint bien davantage encore plus tard. Il suffisait, on le sait, de voir son image, pour être sûr de ne pas mourir dans la journée. Dans les livres d’Heures, dès la fin du XIVe siècle, saint Christophe est expressément invoqué comme le saint qui nous garde de la mort subite. C’est dans le cours du XVe siècle, et même au XVIe, que s’élevèrent dans nos églises ces nombreuses statues de saint Christophe dont les plus gigantesques ont disparu aujourd’hui. On les plaçait près de la porte pour que chacun pût emporter l’influence du saint, comme un fluide mystérieux qui vous imprègne soudain, et se retire avec lenteur. Dans les petites églises de villages, dans les pauvres oratoires des montagnes, où l’art savant des villes ne pénétrait pas, on rencontre parfois, encore aujourd’hui, une grossière peinture à moitié effacée qui représente saint Christophe. On regardait l’étrange saint, tout pareil aux géans des contes de la veillée, on murmurait une prière, et on s’en allait rassuré.

Mais dans le même temps, il y avait une jeune sainte qui protégeait, elle aussi, contre la mort subite. Sa taille gracieuse, son doux visage souriant faisaient naître la confiance et l’amour. C’était la plus populaire de toutes les saintes, sainte Barbe. Son histoire, telle qu’on la racontait, était touchante. Cette jeune Grecque de Nicomédie n’avait rien trouvé dans le paganisme qui satisfît son cœur. Elle écrivit à l’illustre Origène qu’elle cherchait un Dieu inconnu. Emu de ce cri d’angoisse, le grand docteur lui envoya Valentin, un de ses disciples, qui lui révéla le christianisme et la baptisa. Devenue chrétienne, elle fut invincible. Invitée à sacrifier, elle préférera endurer tous les supplices et mourir de la main même de son père. Mais ce n’est pas cette histoire qui semble avoir séduit le XVe siècle. Plus d’un peut-être, qui honorait sainte Barbe, ne savait rien de sa vie. Ce que personne n’ignorait, c’est que sainte Barbe avait obtenu de Dieu la plus précieuse des faveurs : par son intercession, le chrétien était sûr de ne pas mourir, sans avoir reçu le suprême viatique. Insigne privilège ! et qui lui valut l’amour de toute la chrétienté. L’étude des recueils de prières ne peut laisser subsister aucun doute sur ce point. Ce qu’on demande à sainte Barbe, ce n’est ni