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à la fois les raisons qui le décidèrent à présenter sa loi et le caractère qu’il entendait lui donner. La crainte de la mainmorte était en lui une raison ancienne et traditionnelle d’agir contre les congrégations, et du même ordre apparaît son souci de juriste, de substituer à leur situation de fait un statut légal. La conviction que les Jésuites avaient mené l’Affaire fut la raison prochaine et décisive. Quant aux desseins qu’il annonçait, la loi de 1901 en assure d’abord la première partie ; elle assure la dispersion des personnes par « le seul moyen efficace, » la dispersion des biens ; c’est une loi de défiance et de haine. Mais, en même temps, elle offre un statut aux congrégations qui se seront fait autoriser. C’est bien ainsi l’idée tout entière qui semble avoir pris forme.

Il restait cependant, pour que la loi à son tour vécût tout entière, telle qu’il l’avait voulue, une œuvre essentielle à accomplir. Il y avait un devoir d’honneur, de dignité, de conscience, à examiner en toute impartialité les demandes d’autorisation que, sur la foi des promesses législatives, la plupart des congrégations s’étaient empressées de déposer. Mais déjà Waldeck-Rousseau avait quitté le pouvoir. Croyait-il alors, comme on l’a dit, qu’avant six mois il y serait rappelé ? Eut-il au contraire une défaillance, après les élections de 1902, en face d’une Chambre qu’il ne se sentait pas sûr de gouverner ?… On sait ce qui advint. M. Combes succéda à Waldeck-Rousseau et fit rejeter en bloc toutes les demandes. La loi demeura sans doute entière, mais inerte et comme morte dans sa seconde partie, celle du statut, vivante seulement dans la première, celle qui frappait les congrégations par la dispersion de leur patrimoine. Un tel résultat pèse lourdement sur la mémoire de Waldeck-Rousseau. Pour approcher de l’équité, ou seulement de l’équilibre, sa loi aurait dû être appliquée dans l’une et l’autre de ses parties : or, elle était ainsi faite que l’une pouvait être appliquée sans l’autre ; c’est dire qu’il n’aurait dû laisser à personne, à M. Combes moins qu’à quiconque, le soin de cette application.

Après le vote de la Chambre en 1903, la loi n’est donc plus qu’une loi contre les congrégations. Ce n’est pas ici le lieu de revenir, pour en montrer la rigueur et l’abus, sur telles de ses dispositions. Il suffira de rappeler ses caractères essentiels.

La congrégation est inexistante : elle n’est pas, elle n’a jamais été propriétaire des biens sur lesquels elle exerce le droit